Voici tout ce qu’il faut retenir du dernier scrutin au Royaume-Uni qui s’est déroulé début juillet 2024 : rappel historique, résultats et enjeux à venir outre-Manche ! S’il y avait bien un événement politique importantissime dans la sphère anglophone avant la si décisive élection présidentielle américaine en novembre, il s’agissait bien évidemment des élections générales britanniques qui se sont, comme un hasard du calendrier, déroulées le 4 juillet dernier, jour de la fête nationale américaine. On t’aide ici à comprendre le fonctionnement du Parlement britannique, les principaux partis et leurs résultats, ainsi que tous les enjeux qu’il faut retenir pour étoffer tes connaissances de « civi ».
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Fonctionnement des élections britanniques et le système parlementaire
Pour une durée maximale de 5 ans, les citoyens britanniques sont appelés à élire 650 députés (appelés MPs, Members of Parliament) dans chacune de leurs circonscriptions (constituencies). Dans chacune de celles-ci, c’est la règle du « First past the post » qui prime, c’est-à-dire que l’élection est à un tour, et sacre le candidat arrivé en tête avec une majorité simple et est ainsi envoyé à la Chambre des Communes, au Palais de Westminster.
A l’issue du scrutin, le parti étant arrivé en tête des élections s’installe dans l’aile gauche de la Chambre des communes, dont la première rangée est réservée au gouvernement, composé d’autres parlementaires (contrairement à la France où ces deux fonctions sont incompatibles).
Toutes les oppositions siègent alors de l’autre côté de la Chambre, dont le principal parti de l’Opposition, qui dispose d’un gouvernement « fantôme » (Shadow cabinet), et dont le chef a l’occasion, au moment des Questions au Premier ministre hebdomadaires (PMQs), de proposer sa propre vision si les futures élections devaient l’emmener au 10, Downing Street.
Enfin, on peut également préciser qu’à l’instar d’autres régimes parlementaires comme le Canada ou l’Espagne, le Premier ministre du Royaume-Uni a le pouvoir de convoquer des élections quand il le souhaite durant les 5 ans réglementaires. C’est pourquoi, par exemple, 2 élections anticipées ont été convoquées en 2017 et 2019, faute à l’époque d’une majorité pour approuver un accord avec l’Union européenne sur le Brexit.
Quels sont les différents partis pour les élections britanniques ?
- Plus ancien parti majeur encore en existence et parti ayant gouverné le plus souvent dans l’histoire parlementaire britannique, le Parti conservateur est un parti ayant oscillé entre le centre droit et la droite plus conservatrice. Créé en 1834, il est l’héritier des Tories, groupe parlementaire l’ayant précédé aux balbutiements du parlementarisme britannique, et c’est d’ailleurs par ce nom que l’on surnomme souvent les conservateurs encore aujourd’hui. Le parti de Winston Churchill ou encore Margaret Thatcher sort de 14 années de pouvoir, marquées notamment par la crise du Brexit suite au référundum promis par David Cameron suite à la pression des eurosceptiques de Nigel Farage ainsi que par une partie de son propre parti. Leur chef est le Premier ministre Rishi Sunak, en poste depuis octobre 2022.
- Le Parti travailliste (Labour) a quant à lui une histoire tout à fait singulière au sens où ses origines, en l’an 1900, sont dues à l’impulsion de plusieurs syndicats qui avaient l’ambition de se donner un parti de la classe ouvrière, ce qui explique qu’encore aujourd’hui ces mêmes syndicats aient un rôle important dans le processus décisionnel. Positionné du centre gauche au temps de Tony Blair à la gauche radicale de Jeremy Corbyn, le Labour a été notamment amené au pouvoir au sortir de la Seconde Guerre mondiale avec Clement Atlee, puis en 1997 par le même Tony Blair. Depuis 2020, le chef du parti est Keir Starmer, tenant d’une ligne plutôt centriste.
- Les libéraux-démocrates (ou LibDems) sont le résultat de la fusion du Parti libéral historique, datant du XIXème siècle, avec le Parti social-démocrate, ayant scissionné du Parti travailliste dans les années 1980. Si leur positionnement politique a souvent évolué au gré du positionnement des deux principaux partis de gouvernement, ce parti a souvent été au centre du spectre politique britannique et n’a jamais caché son attachement presque viscéral au rôle du Royaume-Uni dans la construction européenne. Membres du gouvernement entre 2010 et 2015 sous le leadership de Nick Clegg et en coalition avec les conservateurs de David Cameron, disposant d’une majorité relative, les Libéraux-Démocrates sont balayés aux élections suivantes et peinaient jusqu’ici à remonter la pente, étant réduits à une poignée de sièges.
- Pourtant nouveau venu dans la vie politique britannique, ReformUK n’est pourtant que l’héritier de plusieurs partis de droite radicale et d’extrême droite qui l’ont précédé, tels que UKIP ou le Parti du Brexit, mais qui ont un dénominateur commun : le très médiatique défenseur du Brexit Nigel Farage, leader du Leave lors de la campagne référendaire et qui fait son grand retour avec comme objectif de dépasser à terme les Conservateurs à droite de l’échiquier politique. Ses chevaux de bataille sont principalement centrés autour de l’immigration et une opposition radicale à tout nouveau rapprochement avec l’Union européenne.
D’autres partis nationalistes existent ensuite dans chacune des 4 nations constitutives du Royaume, mais le plus important est sans aucun doute le Parti National Ecossais (SNP), au pouvoir en Ecosse depuis près de 20 ans, et qui rafle depuis 2015 la grande majorité des sièges aux élections générales en Ecosse. Leur objectif est à terme d’organiser un nouveau référundum sur l’indépendance de l’Ecosse.
Zoom sur les résultats des élections britanniques 2024
Comme le prévoyaient depuis de nombreux mois les sondages, les travaillistes, emmenés par Keir Starmer, réalisent un retour historique au premier plan en remportant 411 sièges, une hausse de 209 par rapport à leur défaite tout aussi historique de 2019, lorsqu’ils étaient menés par Jeremy Corbyn. Cela a permis à Sir Keir de devenir le nouveau Premier ministre britannique dès le lendemain, le premier depuis Gordon Brown, entre 2007 et 2010.
Le Parti conservateur souffre quant à lui énormément de 14 années turbulentes au pouvoir en subissant la plus lourde défaite de son histoire. En effet, les Tories perdent 244 sièges pour être réduits à 121 sièges. Ils sont donc renvoyés dans l’opposition et doivent se trouver un nouveau chef après que Rishi Sunak a annoncé son intention de démissionner de son rôle.
Si cette débâcle s’explique par les difficultés des Conservateurs eux-mêmes, il ne fait aucun doute que la percée inédite du Reform Party n’a fait qu’amplifier celle-ci, puisque le parti de Farage totalise plus de 14% des voix, contre près de 24% pour les premiers, malgré le fait qu’il n’a décroché que 5 sièges. Ainsi, à la faveur du système de vote, la division des voix de droite a causé la défaite de nombreux députés sortants.
De la même manière, les Libéraux-Démocrates font un retour remarqué au premier plan de la scène politique britannique. D’une dizaine de sièges précédemment, ils en gagnent une soixantaine pour se porter à 72 unités, redevenant ainsi de très loin le troisième parti de la Chambre des communes.
Enfin, c’est une déroute également pour les nationalistes écossais qui, devancés pour la première fois en 15 ans par les travaillistes sur leurs terres, perdent la vaste majorité de leurs sièges pour se retrouver à une dizaine de députés. Ainsi, la question de l’indépendance semble être – au moins temporairement – remise à plus tard.
Malgré les chiffres impressionnants, la victoire du Labour n’est pourtant pas un triomphe, puisque le parti ne remporte qu’un peu moins de 34% des suffrages, bien loin de ce qu’annonçaient les sondages et une augmentation marginale par rapport au précédent scrutin. En somme, cette élection a été la plus disproportionnée de l’histoire des élections britanniques, ce qui repose la question du changement de système de vote outre-Manche.
Elections britanniques : quels enjeux attendent désormais le nouveau gouvernement travailliste ?
Si le sujet n’a pas été souvent évoqué durant la campagne, il y a fort à parier que la relation entre Londres et Bruxelles sera un sujet majeur de la mandature à venir. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Keir Starmer a tenu à rencontrer d’ores et déjà de nombreux dirigeants européens. Même s’il a exclu pour le moment tout retour du Royaume-Uni dans le marché unique ou tout retour de la libre-circulation des marchandises et des personnes, il sera très certainement mis sous pression par les LibDems et l’aile la plus pro-européenne de son parti pour effectuer des rapprochements.
En parlant du sujet de la mobilité, l’immigration a, en revanche, été au cœur des débats, du fait notamment de la politique controversée des conservateurs consistant à envoyer les demandeurs d’asile au Rwanda dans l’attente que leur demande soit examinée. Considérée par certains comme contraire aux traités internationaux, au premier rang desquels la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), cette mesure a été immédiatement abrogée par le nouveau gouvernement qui a toutefois l’intention de trouver un moyen de limiter les flux migratoires.
En matière de politique intérieure, la question des services publics, notamment du NHS, est un défi majeur pour le gouvernement Starmer, qui s’est engagé dans le même temps à limiter les dépenses. Sur la question du logement, les travaillistes ont promis que l’Etat participerait à un important effort de construction de logements partout dans le pays. Enfin, l’écologie a été un axe central du projet travailliste, avec la promesse de doper la production électrique verte par le biais d’une nouvelle entreprise publique, GB Energy, ou encore par la renationalisation annoncée des sociétés de transport ferroviaires, privatisées sous Thatcher.
En résumé, il faudra à coup sûr continuer de suivre attentivement ce qu’il se passe de l’autre côté de la Manche, tant sur la question de l’avenir du Royaume-Uni que de l’évolution de ses relations avec le reste du continent européen.
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