Nous allons voir dans cet article comment il est possible de lier le concept de développement et celui d’institutions. Ce lien est très important notamment dans le programme de première année en ESH. puisque le développement est un chapitre central qui tombe régulièrement au concours de manière directe ou indirecte. En outre, les auteurs qui ont reçu le prix Nobel d’économie en 2024 (D. Acemoglu, J. Robinson & S. Johnson) sont des économistes qui ont étudié de manière exhaustive le lien qui existait entre ces deux notions. On retrouve par exemple ce concept dans le sujet d’HEC 2014 Institutions et développement. Mais alors comment était-il possible de répondre à ce sujet en liant les deux concepts ? Réponse avec un exemple de paragraphe utilisable pour ce sujet.
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Les définitions d’institution et développement
Selon François Perroux, le développement se définit comme la « combinaison des changements mentaux et sociaux qui rendent apte un pays à faire croître son produit réel global ». Parmi ces fameux changements, la mise en place d’institutions demeure sans doute le plus central. En effet, Douglass North définit les institutions comme des règles humaines qui régissent et structurent les interactions à l’intérieur d’une société (ces règles sont économiques, sociales et politiques). Ce dernier affirme qu’il n’y a pas de développement économique sans institutions sociales et juridiques au préalable. En d’autres termes, les institutions sont une condition nécessaire au développement économique.
L’importance des droits de propriétés pour le développement économique
Parmi ces institutions, on peut déjà penser aux droits de propriété. Ces derniers ont été mis en place pour la première fois dans le monde occidental en 1688 en Angleterre via la fameuse Glorious Revolution. Ces droits de propriété constituent le moteur du développement économique car sans eux, il n’y a pas d’innovation. En effet, si un innovateur ne peut profiter des fruits de son innovation, il y a fort à parier qu’il sera désincité à innover dans le futur.
Ainsi, mettre en place un système protégeant l’innovation est une condition nécessaire pour disposer de plus d’innovateurs et donc de plus de développement économique dans une perspective schumpétérienne. Dans son ouvrage Le pouvoir de la destruction créatrice (2021), Philippe Aghion affirme que les droits de propriété sont d’ailleurs indispensables à l’innovation. Selon ce dernier, « Le système des brevets a ajouté le carburant des incitations au feu du génie ». Par conséquent, on comprend que sans brevets pas d’incitation à innover et donc pas de croissance.
Les institutions extractives et le sous-développement
En outre, pour qu’un pays puisse se développer, il lui faut aussi des institutions juridiques impartiales et justes. Une des principales causes du sous-développement notamment en Amérique Latine et en Afrique sont les institutions extractives telles que définies par D. Acemoglu et J. Robinson (2012). En effet, ces pays connaissent une corruption endémique qui les empêche d’utiliser l’argent public pour accroître leur indice de développement humain (inventé par Amartya Sen dans le cadre du programme des Nations Unies) à travers des politiques d’éducation ou de santé.
Pour rappel, cet indice de développement humain prend en compte le PIB/habitant, l’espérance de vie à la naissance ainsi que la durée moyenne de scolarité des individus. Cette influence positive des institutions sur le développement est illustrée par R. Subramanian et D. Rodrik dans la primauté des institutions (2003). Ils montrent en effet que l’écart de revenu entre la Corée du Sud et la Bolivie est exactement proportionnel à l’écart de qualité des institutions des deux pays. Cette qualité est mesurée par un indice synthétique prenant en compte la qualité du système de brevets et de l’État de droit.
Les institutions sont donc un pilier du développement économique puisqu’elles permettent de développer l’innovation mais aussi d’investir l’argent public dans une logique rationnelle d’amélioration des conditions matérielles de la population.
Institutions et volume d’échanges
Enfin, ces institutions (notamment juridiques) permettent de développer les échanges en diminuant les coûts de transaction puisque via l’édifice de contrats pré-réalisés, les entreprises ont des démarches simplifiées pour développer leurs échanges… Pour rappel, chez Ronald Coase, on retrouve l’idée que le recours au marché engendre des coûts de transactions (coûts de recherche, coût de négociation et coût de vérification).
Dans une société moderne au sens d’Émile Durkheim dans De la division du travail social (1893), les individus ne se connaissent pas (solidarité organique), la société est basée sur la division du travail qui diminue les coûts de production mais qui a tendance à faire croître les coûts de transaction (sécurité des échanges, lois, bon fonctionnement du marché, mobilité des facteurs de production…).
Dès lors, les institutions juridiques permettent ici de diminuer le plus possible ces coûts pour ne pas contraindre la montée des échanges. La rédaction de contrats type par l’institution juridique permet ainsi de diminuer les coûts de transaction et donc d’accroître les échanges.
Cet article est un passage adapté du livre La dissertation d’ESH : méthode et sujets corrigés écrit par Léo Bedenc, Patrick de Vaugiraud et Etienne Morin. Si vous souhaitez en savoir plus sur le livre, vous pouvez cliquer ici.
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