L’actualité en bref #10 – Semaine du 18 au 24 mai 2020
Cette semaine l’actu en bref vous présente 4 fait d’éco et 4 de géopo qui ont rythmé l’actualité internationale la semaine dernière.
En complément, nous vous proposons un Focus sur l’île de Taïwan, ce petit État d’Asie, devenu un symbole du modèle de développement asiatique mais qui est également menacé par les revendications de Pékin qui refuse de reconnaître sa souveraineté et qui s’emploie depuis les années 70 à l’exclure des instances internationales.
L’économie en bref
Nous vous proposons, après l’actualité économique, un focus sur son économie et sur les tensions qui subsistent avec la Chine continentale.
1) La fin du franc CFA :
Le Conseil des ministres du mercredi 20 mai vient d’acter la fin officielle du franc CFA en Afrique de l’Ouest. Il sera remplacé par l’Eco. Beaucoup parlent néanmoins d’un « changement de façade », regrettant les liens étroits entre cette nouvelle devise et le France. Les réserves de la Banques centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne seront plus obligatoirement déposées au Trésor français, les représentants de la France ne pourront plus siéger aux institutions prenant les décisions monétaires. Pour autant, l’Eco restera arimée à l’Euro et la France reste le garant de l’équilibre monétaire. Un Eco flottant n’est toujours pas à l’ordre du jour.
2) Nouveau défaut de paiement pour l’Argentine :
L’Argentine vient à nouveau d’entrer en défaut de paiement, pour la neuvième fois de son histoire. Elle n’a pas honoré une échéance de 500 millions de dollars à ses créanciers. La dette du pays est de 324 milliards de dollars soit 90% de son PIB. Des négociations sont en cours afin de restructurer 66 milliards de dollars de sa dette. En 2001, le pays avait plongé dans une grave crise économique et sociale après un défaut historique de 100 milliards de dollars. 20 ans plus tard, son économie est de nouveau très affaiblie après deux ans de récession, une inflation de 53% en 2019 et un taux de pauvreté de 33%. Enfin, la crise du covid-19 apporte une double peine : un ralentissement de l’activité et des difficultés pour trouver des liquidités afin d’honorer ses dettes qui sont en dollars.
3) Renault au bord de la faillite ?
Ce vendredi, le ministre de l’économie Bruno le Maire s’est dit inquiet de l’avenir du fleuron de l’automobile français, Renault. L’entreprise déjà fragilisée avant la crise sanitaire, se voit aujourd’hui menacée de disparition. La rumeur court que plusieurs usines pourraient fermer. Des milliers d’emplois seraient menacés. Pour autant, une telle faillite est politiquement inenvisageable. Le ministre à d’ailleurs ajouté que quoi qu’il arrive, l’usine de Flins qui emploi 2600 salariés ne fermerait pas. L’Etat (un des principaux actionnaires de l’entreprise) est disposé à accorder un prêt de 5 milliards d’euros sous certaines conditions. Renault représente 180 000 emplois dans le monde dont 48 000 en France. Si une faillite est très peu probable, il n’en va pas de même d’un rachat par un groupe étranger étant donné sa très faible capitalisation boursière mais là encore nulle doute que l’Etat français ne s’y oppose pas. Une des craintes de l’Etat et ainsi que des entreprises françaises soient rachetées en ces temps de crise. Ainsi, la compagnie aérienne Norwegian, déjà en pleine restructuration (#actu en bref 09), devrait voir une société de crédit contrôlée par Pékin entrer dans son capital à hauteur de 12.6%.
« Il faut être lucide, Renault peut disparaître » Bruno le Maire sur Europe 1
4) Plan de relance européenne, la contre-proposition des « quatre frugaux » :
L’Autriche, Les Pays-Bas, le Danemark et la Suède sont tous les quatre opposés à une mutualisation des dettes souveraines prévues dans le plan de relance du couple franco-allemand (#actu en bref 09) et contre toute hausse significative du budget de l’UE. Ces quatre pays libéraux aux finances publiques saines ont présenté samedi dernier leur vision d’une relance européenne. Ils proposent un octroi de prêts ponctuels aux pays les plus touchés et nécessiteux via un fonds d’urgence qui soit orienté vers les activités les plus indispensables telles la recherche et l’innovation, la santé ou la transition énergétique. Ils content ainsi influencer la Commission européenne qui doit présenter ce mercredi ses propositions sur le cadre financier pluriannuel (2021-2027) afin d’établir un budget pour l’UE sur cette période.
Focus : Comprendre les « 4 dragons » avec l’exemple de Taïwan
Taïwan est une puissance économie souvent méconnue alors même qu’avec un PIB de 601 milliards de dollars, elle est la 21ème économies, juste derrière la Turquie et l’Arabie Saoudite, pour une population de 23,4 millions d’habitants. Elle se place 19ème en termes de PIB par habitant mesuré en parité de pouvoir d’achat selon le FMI avec 52 000$ soit plus que le Japon ou la Corée du Sud. Entre 1950 et 2013, le PIB/hab a été multiplié par 120.
L’île affiche une forte réussite économique, avec une croissance annuelle moyenne de 8% ses trois dernières décennies, le chômage est proche du plein emploi (4%), l’inflation est faible et elle dispose d’un important excédent commercial de 77 milliards de dollars (345 milliards d’exportations contre 273 milliards d’importations). La Chine est son principal partenaire commercial. Elle représente 40% des ses exportations et 20% de ses importations.
Sur quoi Taïwan fonde-t-elle sa réussite économique ?
Sur la stratégie d’industrialisation par substitution d’exportations théorisée par Kaname Akamatsu. Cette stratégie a fait la force des 4 dragons asiatiques à la fin du 20ème siècle (Taïwan, Hong Kong, Singapour, Corée du Sud). Elle consiste en une substitution progressive des exportations vers d’autres de plus en plus élaborées en suivant une remonté de filières. Cette stratégie a été permise par un recours au protectionnisme sélectif afin de développer de nouvelles filières (CF : Friedrich List), un contrôle rigoureux des IDE entrants et une politique industrielle active (investissements, planification, subventions, politique libérale). Taïwan, s’est progressivement spécialisée dans une industrie de haute technologie notamment dans l’électronique. Actuellement, son nouveau cheval de bataille est l’industrie aéronautique et aérospatiale qui est en hausse de 8% en 2019. Elle compte profiter du boom de la demande en Asie (42% du marché mondial). Ils sont déjà en mesure de confectionner leurs propres satellites.
Son commerce extérieure est le moteur de son économique depuis 40ans. Elle commerce tout particulièrement avec les Etats-Unis et la Chine. Sa croissance dépend donc de la bonne santé économique des deux premières puissances économiques de la planète. Elle a ainsi profité de la croissance américaine dans les années 90 puis de celle de la Chine à partir des années 2000).
Elle investit également dans les pays voisins notamment en Chine via Hong Kong. Des milliers d’usines taiwanaises sont présentes en Chine afin de profiter d’une main-d’œuvre bon marché ce qui lui permet de délocaliser une partie de ses activités tout en maintenant celles qui créent le plus de valeur ajoutée sur son sol. Ainsi, l’entreprise taiwanaise Foxcon qui assemble notamment les téléphone d’Appel, frabrique une partie des composants de l’Iphone à Taïwan mais l’assemblage se fait en Chine. Ses relations commerciales étroites avec la Chine créent une forte interdépendance même si depuis quelques années, on constate une tendance à la relocalisation à Taïwan notamment dans l’industrie de l’électronique.
Autres forces de l’île : Force entrepreneuriale de ses et PME-ETI familiales (contrairement aux Chaebols et Zaibatsus Japonais et Coréens, elle tire sa force de son tissu de PME-ETI) + Une approche financière conservatrice dans une économie libérale + Elle n’a pas souffert de la crise économique asiatique de 1997/1999 (stabilité de son système financier, économie diversifiée, confiance des investisseurs étrangers).
La géopolitique en bref
Restons avec la Chine, en passant à l’actualité géopolitique.
1) Loi sécuritaire à Hong Kong :
La Chine va prochainement présenter devant l’Assemblée nationale populaire une loi sécuritaire pour Hong Kong. Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de Hong Kong afin de dénoncer ce projet de loi. Des affrontements ont éclaté avec les forces de l’ordre, rappelant les violentes contestations de 2019. L’ancienne colonie britannique avait alors connu des manifestations montres quasiment quotidiennes durant plusieurs semaines. Ce passage en force de Pékin pourrait de nouveau déclencher une violente contestation au moment même où le fameux « un pays, deux systèmes » semble plus que jamais menacé.
2) SpaceX, à la conquête de l’espace :
La société d’Elon Musk vient d’obtenir l’autorisation de la Nasa afin d’emmener deux astronautes américains sur la Station Spatiale internationale (ISS). Il s’agit d’une première pour une entreprise privée. En quelques années, SpaceX a révolutionné la conquête de l’espace en devenant pionnière de la privatisation du vol spatial. Le lancement aura lieu mercredi 27 mai au centre spatial Kennedy en Floride. Il s’agira du premier vol habité lancé sur le sol américain depuis 9 ans. De depuis plusieurs années, les Etats-Unis devaient faire appel aux Russes afin d’envoyer des astronautes dans l’espace suite à une décision de l’ancien président Obama d’arrêter les lancements financés par la Nasa (agence publique) afin de privilégier les entreprises privées. La dernière navette de la Nasa a atterri en juillet 2011. Au total, les 135 vols effectués par la Nasa auront coûtés 200 milliards de dollars.
3) Traité international « Ciel Ouvert » menacé par Trump :
Le président Trump souhaite se retirer de ce traité qui autorise le survol des territoires dans un objectif uniquement pacifique, estimant que la Russie le viole régulièrement et menace les intérêts américains. Ce traité signé par 35 pays dont les pays européens, les USA, la Russie et le Turquie est entré en vigueur en 2002. Washington accuse la Russie de ne pas autoriser le survol de certaines zones sensibles comme l’enclave de Kaliningrad. Il s’agit d’un nouveau coup dur pour le multilatéralisme et les traités internationaux de défense après le retrait des Etats-Unis du traité FNI sur les missiles de portées intermédiaires et le pacte sur le programme nucléaire iranien. Les experts internationaux s’inquiètent également du sort du traité New Start signé en 2010 avec le Russie et qui arrive à échéance en 2021. Il vise à réduire des armes stratégiques nucléaires et à mettre un terme à la course aux armements
4) Etats-Unis : reprise des essais nucléaires ?
Lors du réunion mi-mai, des responsables de la défense auraient évoqué la possibilité d’une reprise des essais nucléaires après 28 ans d’inactivité. Les responsables américains évoquent des essais russes et chinois sans pour autant fournir de preuves. Ces essais s’ils sont réalisés rapidement pourraient faire partie d’une offensive diplomatique de Washington dans le but de négocier un accord tripartite avec la Chine et la Russie sur les armes nucléaires. Pour le moment, aucune décision n’aurait été prise car le risque de retomber dans une course aux armements nucléaires est grand.
Focus : Le Statut particulier de Taïwan depuis 1949
Dilemme historique depuis 1949 : Taïwan est-elle un « territoire indépendant » administré par la République de Chine ou une province chinoise qui doit revenir sous l’autorité du gouvernement de la République populaire de Chine ?
Les divisions entre la Chine continentale et Taïwan débutent dans les années 30, lorsque les divergences déjà existantes depuis des années entre les nationalistes et les communistes se transforment en guerre. Défaits par les nationalistes en 1934, les communistes se réfugient dans les montagnes puis ils entament la Longue marche à travers les régions les plus pauvres afin de gagner en influence et de recruter des soldats. La guerre civile se poursuit jusqu’en 1937 puis la seconde guerre sino-japonaise qui débute avec l’invasion japonaise de 1937, les oblige à s’allier jusqu’en 1945. Une fois la Seconde guerre mondiale terminée, la guerre civil reprend et en 1949 le PCC (Parti communiste chinois) occupe la majorité du territoire. Plusieurs millions de nationalistes commandés par Tchang Kaï-chek se réfugient alors sur l’île de Taïwan et ils proclament Taipei (capital de Taïwan), capital provisoire de la République de Chine (ROC). Parallèlement, en Chine continentale, Mao Zedong proclame la République populaire de Chine (RPC). L’île, occupée par les Japonais depuis 1895 jusqu’en 1945, se retrouve alors dirigée d’une main de fer par les nationalistes qui instaurent la loi martiale afin de lutter contre les communistes. Elle ne sera levée qu’en 1987. On se retrouve donc avec deux représentantes de la Chine (La ROC et la RPC). Aux yeux de la communauté internationale, largement influencée par les Etats-Unis qui soutiennent la République de Chine militairement, la ROC basée à Taïwan est l’unique représentent de la Chine. Taïwan est alors considérée comme un « territoire indépendant » administré par la ROC. Au cours des premières années, des plans d’invasions sont établis par les deux belligérants mais ils sont rendus impossible par la présence de la septième flotte américaine dans les détroit de Taïwan.
Néanmoins, en 1971, l’ONU décide de reconnaître la République populaire Chine comme l’unique représentante de la Chine, les représentants de la ROC sont alors exclus des instances et en 1979, les Etats-Unis rompent toutes relations diplomatiques avec Taïwan, les bases américaines sont fermées même si une loi est votée afin d’autoriser les ventes d’armes. La RPC la considère alors comme une province chinoise devant revenir sous son autorité. Taïwan dispose alors de deux statuts, qui subsistent encore à l’heure actuelle.
En 2008, avec l’élection de Ma Ying-jeaou, un partisan du rapprochement avec Pékin, un tournant est enclenché. Il promet la non unification avec la Chine et la non indépendance de Taïwan. Les relations culturelles et commerciales s’intensifient et des lignes aériennes civiles sont établies. Pékin, ne s’oppose plus à la participation de Taïwan à certaines instances internationales.
Une nouvelle glaciation des relation se produit en 2016, avec l’élection de Tsai Ing-wen, qui militait auparavant par l’indépendance de Taïwan de la Chine populaire. Depuis son arrivée, la Chine a augmenté ses pressions diplomatiques ainsi que ses manoeuvres militaires dans le détroit de Taïwan.
La Chine peut-elle annexer Taïwan en l’envahissant par la force ?
En terme de capacités militaires le budget de la Chine est de plus de 250 milliards de dollars contre environ 10 milliards pour Taïwan pour respectivement 2 millions et 300 000 soldats. Néanmoins, Taïwan dispose d’atouts non négligeables, à commencer par une vingtaine de frégates dont 6 de dernière génération, de la classe Kang Ding construites par France dans les années 90. Celles-ci, de part leur système de défense et d’attaque sont capables de bloquer ou du moins de ralentir une invasion terrestre, aérienne et même sous-marine. De plus, elle dispose d’un industrie d’armement parmi les plus aboutie et est capable de fabriquer des avions de chasses, des véhicules terrestres ainsi que des frégates. Elle dispose également de missiles longue portée capables de toucher les côtes chinoises. Pour ce qui est de la présence américains, même s’ils ne disposent pas de bases sur l’île, ceux-ci sont présents sur l’île de Guam et surtout sur l’île d’Okinawa au Japon, île qui se trouve à quelques centaines de kilomètres des côtes taiwanaises, 60% des forces américains basées à l’étranger le sont dans le Pacifique.
Même si depuis quelques mois Pékin multiplie ses manoeuvres militaires dans la région, il est peu probable qu’elle se risque un jour à une attaque militaire, l’issue serait incertaine et très couteuse, même sans intervention des USA. Pour ce qui est d’un blocus économique, les deux économies sont trop interdépendantes, Foxconn en est l’exemple. Pour ce qui est de la diplomatie, la crise politique à Hong Kong risque de disuader les Taïwanais de se rapprocher de Pékin.