En ce début d’année 2023, le récent premier ministre japonais Fumio Kishida a effectué un long voyage diplomatique. Il est passé par l’Europe notamment par Londres et aussi par les États-Unis. Ces visites diplomatiques ne sont pas anodines et marquent peut-être une nouvelle étape dans les relations américano-japonaises. De quoi déplaire à la Chine…
Des affrontements historiques et des accords de protection
Il faut remonter plus en amont dans l’histoire pour voir que les relations entre les Etats-Unis et le Japon ne sont pas simples. C’est notamment au cours du XXème siècle, que le Japon a lancé les hostilités contre les étatsuniens. Au sein de la Triple Alliance, l’empire nippon a frappé le 7 décembre 1941 la base américaine de Pearl Harbor. Ce fut l’entrée des Etats-Unis dans la seconde guerre mondiale. Les pertes furent conséquentes, qu’elles soient humaines ou matérielles. Cependant, ceux sont les Japonais qui ont subi les foudres de la puissance nucléaire américaine. Deux bombes furent lâchées par l’armée américaine à Nagasaki et Hiroshima en août 1945. C’était la fin de la guerre et la destruction du Japon.
Néanmoins, la phase de réchauffement des relations n’a pas été longue à se faire attendre. Les États-Unis ont passé un traité avec les Japonais à San Francisco en 1951. Ce dernier avait pour objectif de déléguer la protection du Japon aux armées américaines. De plus, le Japon ne devait pas dépenser plus d’1% de son PIB pour le budget de défense. En parallèle, le Japon lance la doctrine Yoshida (du nom de son premier ministre) qui consistait à ne se concentrer uniquement sur les investissements économiques pour la croissance. Le Japon laisse ainsi les responsabilités sécuritaires aux Américains.
Des politiques économiques pas toujours coordonnées
Sur le plan économique, le Japon a très vite voulu se détacher de la domination américaine. Après la fin de la seconde guerre, les nippons se sont orientés vers une politique très protectionnisme. En effet, l’empire nippon est très nationaliste et cela s’est fait ressentir sur son orientation économique.
Les États-Unis ont vite aidé les Japonais à se reconstruire en proposant des plans économiques. Par exemple, les Américains ont conclu le plan Dodge en 1949 qui favorisait les exportations (1$ pour 360 yens). Les Japonais se sont alignés sur le modèle américain pour tirer profit d’une croissance entre 1950 et 1970.
Une fois la souveraineté retrouvée, le Japon utilise la stratégie en pattes d’oies sauvages (théorie énoncée par Akamatsu). C’est une remontée des filières qui est due aux avantages comparatifs pour fabriquer des produits manufacturés à faible contenu technologique. Les recettes engendrées par les exportations permettent d’acquérir des brevets pour fabriquer des objets plus élaborés.
Le rapport de force déséquilibré entre Américains et Japonais à l’aube de l’après-guerre, s’est réduit considérablement. La productivité japonaise rattrape celle des États-Unis. Ces derniers dénoncent une politique déloyale nippone car le Japon utilise une politique très protectionniste. Les investissements étrangers au Japon étaient très faibles à cause de cette politique.
En plus d’un protectionnisme solide, le Japon arrive à envahir de ses produits le marché américain. Grâce à des prix attractifs et à une qualité de produit satisfaisante, le Japon arrive à prendre une bonne part de marché aux États-Unis.
Un changement géopolitique qui induit une nouvelle alliance
Si les relations américano-japonaises ont été semées d’embuches, ces dernières évoluent au 21ème siècle, notamment à cause de la montée en puissance chinoise.
Ces derniers mois ont été plus que mouvementés dans les eaux de mer de Chine méridionale. La Chine réalise de nombreux essais militaires autour de Taïwan, ce qui a de quoi inquiéter le Japon et les États-Unis. De ce fait, les deux pays ont compris la nécessité de s’allier sur le plan diplomatique et surtout militaire.
Ces derniers jours, Joe Biden a promis un « engagement inébranlable » pour la défense du Japon dans le cadre d’un projet de défense nippon en cas d’attaque chinoise. Le Japon et les États-Unis ont étendu leurs relations dans les domaines de la cybersécurité et de la protection militaire. Les accords passés à Londres et à Washington par Fumio Kishida ne sont pas anodins tant le Japon craint l’éclatement du Pacifique. Les tensions en mer de Chine méridionale inquiètent l’archipel nippon (conflits pour certaines îles revendiquées par la Chine)
La FAD, l’armée japonaise, va connaître une extension de ses capacités de défense avec une volonté d’atteindre 1,4% du PIB alloué pour la sécurité. Pour rappel, le Japon n’est que la 8ème armée du monde pour la troisième économie mondiale, selon le Global FirePower. Le Japon est derrière des pays comme le Pakistan et la Corée du Sud.
Le Japon va ainsi réorganiser son 12ème régiment d’Okinawa. Les États-Unis vont laisser 56000 de leurs militaires au Japon.
Ainsi, le Japon et les États-Unis s’orientent vers une nouvelle vision stratégique. Cette dernière a été rendue possible par la complicité entre Biden et Kishida puis par la montée des tensions dans le Pacifique.