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Les images et le cinéma

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Les concours approchent bientôt. C’est pourquoi nous t’enjoignons à profiter de cette période pour débuter ton travail sur les oeuvres qui pourraient t’aider pour l’épreuve de culture générale. Pour rappel, le thème de l’année 2024-2025 est « l’image ». 

Une des questions à se poser au regard des images et celle de leur portée dans les différents arts. Ainsi, on peut s’interroger sur la spécificité des images au sein du cinéma, cet “art des images” qui sont montées. En effet, le montage est une dimension essentielle du cinéma, non seulement en tant que technique d’assemblage des images, mais aussi en tant que mécanisme porteur de sens et de discours. Il ne s’agit pas simplement de juxtaposer des plans, mais bien d’organiser une suite d’images de manière à créer un effet, une réaction ou une réflexion chez le spectateur. Cette étape d’assemblage des images, qui distingue le cinéma des autres formes d’art visuel, a fait l’objet d’analyses profondes par de nombreux théoriciens du cinéma et de la philosophie, tels que Walter Benjamin, André Bazin, Jean-Luc Godard et Gilles Deleuze. Leur approche permet de mieux comprendre les enjeux politiques, esthétiques et philosophiques du montage cinématographique et donc de la portée des images au sein du cinéma.

 

Walter Benjamin et la portée politique du montage

Walter Benjamin est l’un des premiers penseurs à avoir souligné l’importance du montage en tant que procédé ayant une portée politique et culturelle majeure. Il met en évidence la transition entre l’œuvre d’art unique et sa reproduction mécanique, ce qui entraîne plusieurs changements fondamentaux :

Tout d’abord, le réel est mécaniquement reproduit : L’image cinématographique permet une reproduction infinie de la réalité, ce qui modifie notre rapport au monde et aux objets artistiques.

De plus, la perception devient collective : Alors que la peinture et la sculpture impliquaient une contemplation individuelle et intime, le cinéma s’adresse aux masses, abolissant en partie les différences sociales dans l’expérience esthétique.

Enfin, on observe une disparition de la contemplation : Le cinéma impose un rythme rapide et des transitions brutales qui empêchent la contemplation prolongée d’une image, remplaçant l’expérience artistique classique par une série de chocs visuels.

Pour Benjamin, ces transformations renforcent la portée politique du cinéma : en diffusant largement des images et en manipulant leur agencement, il devient un outil puissant pour influencer l’opinion publique et mobiliser les masses. Le montage est donc un instrument de la révolution prolétarienne, permettant de structurer un discours visuel compréhensible par tous.

 

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André Bazin : entre montage et manipulation

Si Benjamin voit dans le montage un vecteur d’engagement, André Bazin met en garde contre ses dangers. Selon lui, le montage, en organisant et en fragmentant la réalité, peut aussi déformer la perception du spectateur et le manipuler plus encore qu’une image fixe.

Bazin insiste notamment sur les problèmes posés par les films sur l’art. Lorsqu’un tableau est filmé, le montage impose un cadre cinématographique qui dénature l’expérience originale de l’œuvre : le cinéma fragmente l’image picturale, la détruisant en tant qu’unité autonome, quand le montage crée une narration artificielle, orientant la réception du spectateur de manière souvent subjective. Ainsi, le spectateur perd son rapport direct à l’œuvre d’art, remplacé par une médiation cinématographique qui peut déformer son sens.

Bazin préconise donc une utilisation mesurée du montage : il ne s’agit pas de renoncer à son pouvoir narratif, mais de veiller à ne pas trahir l’authenticité des images et du réel qu’elles représentent

 

De Godard à Deleuze : le montage comme construction du sens

Avec Jean-Luc Godard et Gilles Deleuze, le montage devient un véritable sujet de réflexion en lui-même.

Jean-Luc Godard, figure emblématique de la Nouvelle Vague, remet en cause la continuité narrative traditionnelle. Pour lui, le montage n’est pas un simple enchaînement d’images, mais une création active de sens. Il déclare ainsi :

“Il n’y a pas d’image, il n’y a que des images. Et il y a une certaine forme d’assemblage des images : dès qu’il y en a deux, il y en a trois.” (Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, 1984-1998)

 

Par ses techniques de faux raccords, de jump cuts et d’inserts iconoclastes, Godard rompt avec la narration fluide et linéaire, exposant le montage comme un artifice visible. Ce faisant, il invite le spectateur à questionner l’image et sa vérité.

A sa suite, Gilles Deleuze, dans sa théorie du cinéma, va plus loin en affirmant que notre perception du monde est déjà un processus de montage. Il soutient que nous ne percevons jamais une image isolée, mais un enchaînement d’images qui construit notre rapport à la réalité.

Deleuze introduit ainsi la notion de ciné-image, selon laquelle notre compréhension du monde est structurée par des principes similaires au montage cinématographique : il y a un filtrage des informations car certaines images sont retenues, d’autres écartées, il y aussi une construction d’un récit : nous assemblons les images de manière cohérente pour donner un sens au monde. Enfin, il remarque une crise de la perception : dans un monde saturé d’images, le montage devient un outil pour comprendre le chaos visuel moderne.

 

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Conclusion

Ainsi, le montage cinématographique ne se limite pas à une simple technique de juxtaposition des images : il est au cœur d’une réflexion sur le réel, la perception et la politique des images. De Benjamin à Deleuze, en passant par Bazin et Godard, les théoriciens du cinéma ont montré que le montage est un langage à part entière par les images, capable de structurer un discours, d’engager une réflexion critique et de bouleverser notre rapport au monde. Il s’agit donc pour les concours de ne pas oublier l’usage spécifique des images qui peut être fait au sein de chaque art, comme le cinéma. 

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Corentin Viault