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Liz Truss : L’ennemi des marchés

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Un peu plus d’un mois après son investiture en tant que Premier Ministre du Royaume-Uni, les différentes politiques annoncées par Liz Truss ne font pas l’unanimité aussi bien auprès des Britanniques que des marchés financiers. Libérale dans l’âme c’est avec une volonté de libéralisme poussé qu’elle a été désignée pour succéder à Boris Johnson à la tête du Parti Conservateur. Néanmoins, ses récentes annonces concernant la baisse des impôts, un soutien du pouvoir d’achat ou encore une hausse du déficit public n’ont pas rassuré les marchés financiers et ont été critiquées par le FMI. Pour l’épauler, elle peut compter néanmoins sur Kwasi Kwarteng, nouveau chancelier de l’Echiquier depuis le 6 septembre 2022 et qui défend aussi une politique de l’offre via une baisse des impôts et est un fervent défenseur de la théorie du ruissellement et du Brexit. Il a notamment mis en avant sa volonté d’accroitre la compétitivité de la Grande-Bretagne et cela au détriment de politiques sociales et notamment des politiques de redistribution qu’il a vivement critiquées.

 

PS : Il est à noter que depuis la procédure de suppression de la tranche à 45% du barème de l’impôt sur le revenu a été stoppée du fait du mécontentement des marchés financiers vis-à-vis de cette politique et également du FMI. Lawrence Summers annonçant même qu’il s’agissait de « La pire politique macroéconomique jamais vue de longue date dans un grand pays. Ce n’est tout simplement pas le moment pour ces politiques de l’offre naïves imprégnées de pensée magique ». Il reste important de voir comment ces annonces ont provoqué un vent de panique sur la Grande-Bretagne.

 

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Des politiques libérales mal reçues par les acteurs économiques internationaux

Alors que l’inflation avait atteint son point le plus haut en Grande-Bretagne en juillet 2022 en s’établissant à 10,1%, un record vieux de 40 ans, cette dernière a légèrement ralenti en août pour atteindre 9,9%. Malgré cette forte inflation, par ailleurs plus élevée que dans la zone euro (9,1%), la nouvelle administration a récemment annoncé sa volonté de suppression de la tranche à 45% du barème de l’impôt sur le revenu. Cette politique crée donc un double paradoxe. Premièrement, l’inflation impactant majoritairement les plus précaires cette politique provoque donc un creusement des inégalités. Deuxièmement, cette politique se combine avec une volonté de soutien du pouvoir d’achat qui a besoin d’être financée mais cette baisse des impôts réduit les recettes fiscales. En effet 150 000 ménages étaient concernés par cet impôt. De plus, le FMI a demandé, ce 12 octobre, aux Etats de ne pas mettre en place une politique de baisse des impôts malgré un contexte économique extrêmement tendu afin d’éviter un emballement du déficit public.

Dans le même temps, la Grande-Bretagne a annoncé un creusement de son déficit public à 8% cette année et 6,5% l’année prochaine. Ainsi alors que les économistes estiment le coût de son programme à 100 milliards de livres, comment le gouvernement prévoit de financer cette dette ? En effet, avec une inflation à 10% la Banque d’Angleterre a été contrainte de remonter ses taux directeurs de 1,75% à 2,25% le 22 septembre 2022. Mais c’était sans compter sur la réaction des marches. En effet, immédiatement après l’annonce de hausse des taux directeurs, le marché a fait bondi le taux des obligations à 10 ans a 5%, une première depuis 2008, considérant que les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement ne pourraient pas être financées soutenablement avec des taux directeurs aussi élevés. De ce fait pour calmer les tensions sur le marché obligataire, la Banque d’Angleterre a annoncé soutenir le marché obligataire en rachetant des obligations d’Etat. Une mesure dans la lignée des dernières c’est-à-dire paradoxale car conduisant in fine à une baisse des taux d’intérêts et a une hausse de l’inflation. Or en augmentant les taux la Banque d’Angleterre avait pour principal objectif de contenir l’inflation. 

 

Pourquoi la Banque d’Angleterre se devait de contenir l’explosion des taux sur le marché obligataire ?

Bien qu’informel, les Etats, afin de rembourser les intérêts de leur dette et la somme qui leur a été prêtée, empruntent de nouveaux sur les marchés financiers. Or, dès lors que les intérêts de cette dette sont trop élevées, le remboursement devient impossible car l’Etat n’arrive plus à emprunter suffisamment d’argent et ne parvient donc plus à rembourser sa dette, il se retrouve donc en défaut de paiement (exemple de la crise de la dette souveraine de la Grèce). Mais pour Kwasi Kwarteng, au contraire, c’est la baisse des impôts qui va financer cette dette. En effet, défenseur d’une politique de l’offre, il considère qu’une baisse des impôts produira une hausse des investissements, de l’innovation et donc de la croissance. La dette sera donc remboursée par la croissance économique future. Néanmoins, Keynes mettait déjà en avant le fait que cette politique été moins efficace qu’une politique de relance budgétaire par la hausse des dépenses publiques. De plus, les marchés financiers n’y croient pas du tout et considèrent davantage que cette baisse des impôts produira à termes un défaut de paiement de la part de la Grande-Bretagne.

 

Lire également : Keynes et la politique budgétaire de relance

 

Update : Jeremy Hunt, un nouveau ministre des Finances pour remplacer Kwasi Kwarteng

Le 14 octobre 2022, Kwasi Kwarteng a finalement été limogé et remplacé par Jeremy Hunt. Omniprésent dans la vie politique britannique il a déjà dirigé plusieurs ministères notamment celui des Affaires Etrangères mais également de la santé et des Affaires Sociales. En 2019, il s’oppose à Boris Johnson pour la direction du Parti Conservateur mais perdra finalement ce face à face lors du vote des adhérents du parti avec 33,5% des voix. Cette nouvelle nomination est, pour Liz Truss, la solution pour redorer l’image de la Grande-Bretagne auprès des marches. En effet, a la suite du licenciement de Kwasi Kwarteng, elle a annonce « nous devons agir maintenant pour rassurer les marchés ».  Disposant d’une image plus saine envers les finances publiques, Jeremy Hunt semble donc être la personne la mieux placée pour rassurer les marchés et gérer cette situation de crise. Contrairement à son prédécesseur, il n’est pas un fervent partisan des « trussonomics » qui est une politique économique défendue par la première ministre et qui consiste à favoriser la croissance en dépit de la discipline fiscale.

 

Conclusion

Ces annonces, plus qu’inquiétantes, ont crée un véritable bain de sang sur le marché des changes. 20 jours après son arrivée au pouvoir, la livre sterling avait déjà chuté de 15% face au dollar et atteint la parité le 9 octobre. Depuis, la situation a légèrement changé. Conscient des signaux d’alertes énoncés par les acteurs économiques, Liz Truss et son gouvernement ont finalement décidé de conserver la tranche à 45% du barème de l’impôt sur le revenu. Après cette annonce, la livre a repris son souffle face au dollar et s’établit aujourd’hui à (1 livre = 1,12 dollar). Le licenciement de Kwasi Kwarteng qui a vu la nomination de Jeremy Hunt laisse également entrevoir une réconciliation entre les marches et la Grande-Bretagne du fait de la rigueur de ce dernier concernant les finances publiques et le respect qu’il impose en Grande-Bretagne.

 

Source :

Inflation : le FMI déconseille les baisses d’impôts, le contrôle des prix, les subventions

Quatre choses à savoir sur Jeremy Hunt, le nouveau ministre des Finances britannique

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