Dans son ouvrage “La guerre des métaux rares”, le journaliste français Guillaume Pitron affirmait : “La Chine est le grand gagnant de la transition écologique”. Cette affirmation peut apparaître à première vue douteuse dans la mesure où elle semble s’opposer à participer aux efforts communs (“droit à polluer”) et subit des conséquences de plus en plus graves liées aux changements climatiques (selon un rapport de la Banque mondiale, il y aurait 750 000 morts prématurées en Chine à cause de la pollution).
En réalité, Guillaume Pitron positionne son propos dans le cadre de la question des métaux rares. Ces ressources très convoitées car essentielles dans les technologies vertes sont détenues monopolistiquement par la Chine (37% des réserves mondiales et 60% de la production totale selon l’U.S. Geological Survey). Cette domination accentue une peur géopolitique du point de vue occidental, qui craint de devenir hyper dépendant de l’Asie.
Pourtant, derrière cette rivalité géopolitique tacite se cachent plusieurs problèmes socio-environnementaux qui affectent les populations et que les grands acteurs cachent à travers des politiques de “greenwashing“. Ainsi, quelle est la place des métaux rares dans la mondialisation actuelle ?
À quoi servent les métaux rares ?
Les métaux rares sont un ensemble de métaux d’abondance moyenne et/ou faible dans la croûte terrestre. Les terres rares sont une sous-catégorie des métaux rares composée de 17 métaux ayant des propriétés indispensables pour les hautes technologies. À noter que contrairement à ce que son nom laisse à penser, les métaux rares ne sont pas rares, puisqu’on peut en trouver presque partout (Asie, Amérique, Afrique, France…).
Selon Guillaume Pitron, la Troisième révolution industrielle est celle des technologies vertes (batteries, semi-conducteurs, éoliennes, voitures électriques, panneaux solaires). Or, ces dernières sont extrêmement dépendantes des métaux rares et de leurs propriétés.
Ainsi, on retrouve des métaux rares dans toutes les technologies que nous utilisons. Pour donner un ordre d’idées, un iPhone seul en contient 36 différents !
Quelle est la place des métaux rares dans la géopolitique actuelle ?
Aujourd’hui, l’acteur le plus important dans le domaine des métaux rares est la Chine. Ayant pris conscience avant l’Occident de l’importance de ces ressources, elle détient aujourd’hui 37% des réserves mondiales et 60% de la production (2021). Cette position monopolistique lui permet de manipuler les prix par restriction des exportations, comme elle a menacé de le faire en 2021 suite aux annonces américaines sur Huawei.
C’est alors l’Occident qui apparaît le plus inquiet face à cela. En effet, ces derniers sont ainsi ultra dépendants de Pékin. Par exemple, l’Europe ne produit que 3% des métaux rares mondiaux mais en consomme 25%, induisant par conséquent que 98% de ses importations proviennent de la Chine. De même, pour les États-Unis, où 80% des importations sont elles aussi chinoises.
La peur est donc celle d’un renversement de l’ordre mondial. En fait, la guerre des métaux rares offre une fenêtre de développement importante pour les pays en développement d’Asie et d’Afrique. L’Occident craint par exemple que les BRICS, qui possèdent à eux tous réunis plus de 90% des réserves mondiales, ne deviennent l’équivalent de l’OPEP pour les métaux rares. Les terres rares sont donc au cœur de la géopolitique actuelle dans une période où, avec le retour de la guerre, la question des ressources et des dépendances est de plus en plus présente.
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Les métaux rares cachent-ils un cas de “Greenwashing” ?
Si les métaux rares sont essentiels pour les technologies vertes et, par conséquent, pour la transition écologique, il est indéniable que, paradoxalement, leur extraction et leur production sont extrêmement polluantes, entraînant de nombreux dégâts socio-environnementaux tels que la destruction de la végétation, la dégradation des sols, la pollution des eaux, la production de déchets radioactifs, des conséquences sanitaires, le déplacement de populations, et des conflits ethniques.
Un exemple illustrant cette problématique est celui du lithium extrait des Salinas Grandes en Argentine. Le lithium est principalement utilisé dans les batteries, notamment celles des véhicules électriques tels que Tesla, BYD, Toyota, etc. Les Salinas Grandes se trouvent dans le nord-ouest de l’Argentine, dans la province de Juyluy. Cette région est habitée par plusieurs communautés indigènes (Kolle & Atakama – 6500 habitants au total) et se distingue par ses nombreuses réserves de carbonates de lithium.
Cependant, de nombreux riverains se plaignent du détournement de l’eau locale pour l’extraction par évaporation, de la profanation des terres et du déplacement de populations. Malgré les plaintes déposées et la saisie de la Cour de justice argentine, les entreprises continuent d’exploiter ces terres.
En conclusion, les métaux rares occupent une position centrale dans la mondialisation contemporaine en raison de leur rôle crucial tant dans la transition écologique que dans les tensions géopolitiques. Cependant, leur impact sur l’environnement soulève des préoccupations quant à leur éthique socio-environnementale.