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5 citations philosophiques et leur explication : Episode 1

Sommaire
Citations philosophiques expliquées

Ce format d’article est dédié à l’étude, chaque semaine, de cinq citations philosophiques aléatoires. Celles-ci sont choisies selon divers critères. Elles peuvent être méconnues et donc permettre de se démarquer aux concours. Certaines sont intéressantes et méritent un approfondissement. Enfin, d’autres se prêtent à des erreurs d’interprétation qu’il convient de rectifier. Pour chaque article, une citation de Nietzsche sera étudiée, par pur fanatisme.

 

“L’art de la citation est l’art de ceux qui ne savent pas réfléchir par eux-mêmes.” Voltaire

On commence cette série de citations par un choix plutôt ironique. Cet écrit de Voltaire se trouve dans son livre “Dictionnaire philosophique” (1764). Voltaire critique ceux qui citent les idées des autres sans être capable de penser de manière critique et originale. Cela révèle une grande faiblesse. On peut alors penser à Kant par exemple, lequel invite les hommes à s’émanciper et à sortir de l’état de minorité. Il faut penser par soi-même, c’est là le premier pas vers la liberté d’action. 

Pour être plus précis, Voltaire critique ceux qui ne font que répéter des idées sans même les comprendre ou les remettre en question. Pour le philosophe des Lumières, la réflexion personnelle est essentielle pour développer une pensée originale et critique. Certes, il y a une utilité des citations en soi, mais la manière dont elles sont souvent utilisées par certaines personnes est ici décriée. En effet, les citations peuvent être un moyen utile de référencer les idées d’autres personnes, de les illustrer ou les soutenir. Cependant, la simple citation ne suffit pas à démontrer une compréhension profonde ou une réflexion personnelle au sujet d’une idée. Il est essentiel de d’aller au-delà de cette citation et de développer sa propre réflexion. En résumé, Voltaire considère que les citations ne sont qu’un point de départ pour la réflexion personnelle et non une fin en soi.

 

“Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants.”’ Bernard de Chartres

Cette citation attribuée au philosophe et savant français se trouve dans l’ouvrage de John of Salisbury, “Policraticus” (1159). En fait, Bernard de Chartres met en lumière l’idée que notre compréhension et notre savoir actuels ne sont pas le fruit d’un effort individuel isolé. Au contraire, ils résultent d’un héritage culturel et intellectuel transmis par les générations précédentes. 

Les “géants” auxquels Bernard de Chartres fait références sont les intellectuels et penseurs qui ont précédé son époque et marqué l’histoire de la construction des connaissances. Ce sont des figures importantes de l’histoire de la pensée, telle que les philosophes grecs, les savants romains, etc. Selon lui, notre savoir et notre compréhension sont construits sur les concepts et les découvertes de ces “géants”. 

Ce sont également eux qui ont défini le cadre méthodologique et conceptuel dans lequel nous nous trouvons. Ainsi, nous appuyant sur leurs “épaules”, nous sommes en mesure de les dépasser et de progresser encore plus. Cette citation met donc en avant l’importance de l’éducation et de la transmission de la culture et des connaissances à travers les générations. Notons au passage que cette transmission culturelle est un concept phare dans l’anthropologie culturelle. Elle est ce qui fait qu’une culture, une civilisation, perdure dans le temps.

 

“Être, c’est être perçu.” Berkeley

On retrouve cette citation dans l’ouvrage majeur de Berkeley : Traité sur les principes de la connaissance humaine (1710). Elle exprime la théorie philosophique de Berkeley selon laquelle l’existence d’un objet dépend de sa perception par un esprit. Autrement dit, l’existence d’un objet dépend de sa perception par une conscience qui peut s’en faire une idée, une image. Selon cette conception, tout ce qui existe, n’existe que dans la mesure où il est perçu. Par conséquent, l’objet n’a pas d’existence en dehors de l’esprit qui le perçoit, d’où cette expression.

Attention toutefois, cela ne signifie pas que l’objet est dénué d’existence en dehors de ma propre perception. Pour Berkeley, la perception est essentielle à son existence. Tout ce qui existe est perçu par une conscience ou un esprit, et il existe un esprit divin. Cet esprit est la cause première de toute perception. Il est considéré comme la source de l’existence de toutes les choses, y compris celles qui ne sont pas perçues par les êtres humains. Autrement dit, tous les esprits perçoivent l’objet d’une manière ou d’une autre, même si nous ne sommes pas toujours conscients de cette perception. Par conséquent, la perception ne se limite pas seulement à notre perception individuelle mais elle inclut également la perception de tous les autres esprits, y compris l’esprit divin. 

Pour finir, notons que chez Berkeley, l’existence et l’être sont étroitement liés et ne peuvent être dissociés. L’existence des choses dépend uniquement de la perception que nous en avons. Or, pour qu’une chose existe, il faut qu’elle soit perçue. Ainsi, pour Berkeley, la réalité est composé uniquement de perceptions et d’idées.

 

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“La raison sans les passions serait presque un roi sans sujet.” Diderot

Cette citation est extrait de l’ouvrage “Essai sur les règnes de Claude et de Néron” (1778). Elle signifie que la raison est certes importante, mais qu’elle ne peut pas fonctionner correctement sans l’impulsion émotionnelle des passions. Selon Diderot, la raison est une fonction intellectuelle qui nous permet de comprendre et de résoudre des problèmes de manière logique et objective.

Toutefois, sans l’influence des passions, la raison peut devenir froide et stérile, et ne pas être capable de prendre des décisions efficaces. Autrement dit, ce sont les passions qui donnent à la raison une direction et un but. Elles apportent une énergie et une émotion qui motivent notre comportement et nos choix.

Ainsi, pour Diderot, la raison et les passions doivent travailler concomitamment pour atteindre une décision juste et équilibrée. Si la raison était le seul guide de nos actes, elles risqueraient de devenir froide et autoritaire, comme un roi sans sujet. Les passions, de leur côté, doivent être régulées par la raison (à l’image de l’attelage ailé chez Platon, à travers leur connaissance chez Spinoza, etc). Elles peuvent en effet conduire à des comportement excessifs ou impulsifs.

En résumé, Diderot souligne ici l’importance de l’équilibre entre la raison et les passions dans la prise de décision et le comportement humain. Une telle citation fait forcément penser à la phrase bien plus connue de Hegel : “Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion.” Si la raison est considérée comme l’outil en vue d’agir, alors la passion est le moteur qui pousse les individus à se dépasser.

 

“Quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde à ne pas devenir un monstre lui-même.” Nietzsche

On termine avec une citation de Nietzsche, parmi les plus connues, pour commencer cette série d’articles. Celle-ci est extraite du livre “Ainsi parlait Zarathoustra” (1883). Elle signifie simplement que lorsque l’on affronte quelque chose de négatif, il faut être vigilant pour ne pas se corrompre dans la lutte. Une telle corruption nous rendrait négatif à notre tour. Nietzsche utilise l’image de “monstres” pour désigner les forces obscures et destructrices qui peuvent nous habiter, ou que nous devons affronter dans notre vie. On retrouve des tendances humaines négatives telles que la violence, la haine, l’avidité, la colère, la jalousie, l’orgueil, etc.

Selon Nietzsche, il est facile de se laisser emporter par la colère et la haine lorsqu’on lutte contre ces “monstres”. Cela peut conduire à une dégradation morale voire la perte de son humanité. Loin de vouloir nous empêcher de combattre ces maux, Nietzsche nous met ici en garde contre les dangers de la lutte contre le mal. Il souligne l’importance de la prudence et de la réflexion, de l’esprit critique dans une telle lutte. Ce faisant, il s’oppose à Machiavel, rappelant que la fin ne justifie pas toujours les moyens. Il vaut mieux préserver son humanité et échouer dans la lutte, que devenir un monstre soi-même et perpétuer un cycle infernal.

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Gabin Bernard