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L’eau, nouveau nerf de la guerre ?

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Enfant qui boit de l'eau alors que la ressource est en perdition causant des guerres pour l'eau

À l’occasion de l’élection du président états-unien Joe Biden, la CIA a publié son très attendu rapport de synthèse sur le monde. Dans celui-ci, l’agence rassemble l’ensemble des défis, dynamiques et perspectives sur les sociétés acutelles et futurs. L’un des défis majeurs évoqué est la gestion de l’eau, qui « menace de plus en plus la stabilité mondiale ». Ce thème récurrent apparaît aussi crucial que la question environnementale, le retour de la guerre et l’intelligence artificielle pour la CIA. En effet, il tend à s’accentuer au point de faire craindre une multiplication des guerres pour ce nouvel « or bleu » ou « guerres pour l’eau ». On comprend ainsi l’intérêt de se demander : Pourquoi l’eau prend-elle une place croissante dans la géopolitique mondiale ?

L’eau : Une ressource abondante mais inégalement répartie

De fait, l’eau est une ressource essentielle pour la prospérité de l’humanité. Elle sert principalement dans l’agriculture (70 % de son utilisation), l’industrie (20 %) et les usages domestiques (10 %). Si elle est en abondance sur Terre (72 % de la surface mondiale), l’eau y est néanmoins très inégalement répartie. Aujourd’hui, 40 % de la population souffre du manque d’eau en raison d’un déficit de quantité et de qualité. Une telle situation tend à s’aggraver avec la croissance démographique, le réchauffement climatique et la marchandisation de cette ressource.

Faut-il s’attendre à des « guerres de l’eau » ?

Cette inégale répartition est alors à l’origine de tensions. Ces tensions laissent craindre une potentielle « guerre pour l’eau » (Franck Galland) dans les prochaines années. Un exemple de cela est le cas des Dogons (peuple sédentaire spécialisé dans l’agriculture) et des Peuls (peuple nomade spécialisé dans l’élevage animal) dans la bande sahélienne. Les deux ethnies avaient l’habitude de partager leurs sources d’eau, cohabitant ainsi dans une optique de synergie entre leurs deux cultures. Néanmoins, la raréfaction en eau due essentiellement à l’accumulation de sécheresses a engendré des tensions entre eux. Des violences ont alors éclaté. Les groupes djihadistes locaux ont vu dans cela une opportunité et ont rapidement cherché à « islamiser » le conflit. Les djihadistes ont ainsi embrigadé de nombreux Peuls, tandis que les Dogons se sont en réponse vus forcés de créer des milices pour se défendre. Cet exemple montre que le manque d’eau présente des conséquences locales, régionales et intrinsèquement mondiales.

Quelles solutions  pour éviter la guerre ?

Dans son ouvrage La Guerre de l’Eau, Frédéric Lasserre souligne la nécessité d’appliquer des réformes agraires et de mettre en place une coopération multilatérale à travers des institutions supranationales afin de faire face à la pression croissante des besoins en eau. Plusieurs exemples de ce type de mesures existent déjà, tels que « Transaqua », un groupe de coopération régionale entre le Tchad, la République démocratique du Congo, le Cameroun, le Niger et le Nigeria, visant le détournement du fleuve de l’Oubangui afin qu’il alimente le lac Tchad. On peut également citer la stratégie des « 4 robinets » de Lee Kuan Yew à Singapour, qui consiste en la signature de deux accords avec la Malaisie lui permettant d’importer de l’eau à prix fixe, le recyclage de son eau de pluie grâce à des réservoirs répartis dans les villes, et enfin le dessalement de son eau de mer. Toutefois, bien que ces solutions existent, elles demeurent coûteuses et très minoritaires à l’échelle mondiale, comme en témoigne la solution du dessalement de l’eau de mer qui coûterait plusieurs milliers d’euros par mètre cube. Les solutions sont donc limitées économiquement.

En conclusion, bien que l’eau soit abondante sur Terre, sa répartition équitable demeure un défi majeur. Son insuffisance tend à en faire une source de tensions préoccupantes. L’enjeu futur réside dans la manière dont les institutions régionales et internationales s’organiseront pour répondre aux besoins sociétaux, d’autant plus que le monde est déjà confronté à une crise environnementale qui restreint les possibilités d’action

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