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Le multiplicateur et la croissance économique

Sommaire

Découvrez dans cet article comment le multiplicateur économique et la croissance sont étroitement liés, tout en explorant les défis majeurs de cette relation complexe.

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I / Le multiplicateur : au cœur d’un projet visant à faire de l’Etat, l’acteur de la relance et de la croissance de plein emploi

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A/ L’investissement comme clé de la relance par la demande

L’investissement est conçu comme une des deux composantes de la demande effective au côté de la consommation. A ce titre, même si la baisse des impôts n’est pas sans efficacité (k= c/1-c), lorsque les composantes privées de la demande se tarissent, l’Etat doit instrumentaliser son budget en privilégiant l’élévation du niveau des dépenses publiques. Il n’est alors pas surprenant que Keynes ait soutenu la politique de grands travaux lancée à partir du printemps 1933 par F. D. Roosevelt. Pourtant, ici, c’est la consommation ou plus précisément la propension marginale à consommer qui permet à l’investissement de dynamiser le niveau de production alors que l‘épargne représente une fuite de revenus néfaste à la relance.

 

B/ L’effet multiplicateur manifeste les conséquences de l’investissement à long terme 

Parce que Keynes veut répondre immédiatement à la situation déflationniste de sous-emploi, il ne développe aucune théorie de la croissance (à quoi bon, sachant qu’ « à long terme, nous serons tous morts »). Roy Harrod en 1939 (An essay in a dynamic theory) puis Everett Domar en 1947 (Expansion and employment) vont combler ce vide en développant la théorie keynésienne de la croissance. Le modèle Harrod-Domar affirme que la croissance sera équilibrée à condition que l’effet multiplicateur de l’investissement (l’effet revenu est égal à 1/s) s’égalise à l’effet accélérateur (l’effet capacité de l’investissement est égal à α.I où α représente la productivité marginale du capital, c’est-à-dire l’inverse du coefficient de capital ∆K/∆Y). L’équilibre se faisant sur le fil du rasoir, il revient à l’Etat de garantir le plein emploi grâce à une politique budgétaire adaptée.

 
 
 

C/ La prise en compte des modalités de financement n’est pas un obstacle

Les libéraux objectent généralement que la dépense publique, nécessaire à l’activation de l’effet multiplicateur, doit être financée et que toute dépense publique consentie aujourd’hui devra demain faire l’objet d’un prélèvement (D. Ricardo) de sorte que l’effet multiplicateur devient nul. Ainsi, le financement par l’impôt obligerait à une hausse immédiate des prélèvements alors que trop d’impôts tueraient l’impôt (A. Laffer). Par ailleurs, le financement par l’emprunt serait à l’origine d’une éviction de l’investissement privé par la hausse des taux d’intérêt qu’il ne manquerait pas de provoquer (effet d’éviction financière).

Si Trygve Haavelmo montra qu’un équilibre budgétaire n’est pas neutre puisque dans le cas d’un financement public par l’impôt, k=1, Keynes se prononça en faveur de l’acceptation d’un déficit budgétaire sachant que, dans le cas d’une dépression, la trappe à liquidité étant ouverte, les entreprises n’investissent plus : dès lors, pourquoi craindre un hypothétique effet d’éviction financière ? Néanmoins, une crise donnant naissance à une grande dépression n’est pas chose courante : la grande dépression de années 30 étant l’exception et non la règle, les pouvoirs publics doivent-ils faire du multiplicateur un moyen de relancer la croissance et l‘emploi ?

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II/ Des doutes quant à l’efficacité du multiplicateur

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A/ Le multiplicateur rencontre des obstacles importants

Avant tout, il faut rappeler que le multiplicateur fonctionne à la hausse comme à la baisse. Une diminution de l’investissement se traduit par une chute encore plus rapide du niveau de la production et de l’emploi.
Par ailleurs, Keynes lui-même prit en compte l’altération de l’effet multiplicateur dans le cas d’une ouverture des économies (k=1/s+m, m représentant la propension marginale à importer ∆M/∆Y). En effet, quand l’élévation du niveau du revenu prend la forme d’un surcroît d’importations, l’effet multiplicateur est en partie extériorisé. Néanmoins, pendant les années 30, le protectionnisme (relèvement des droits de douane, protectionnisme monétaire, régionalisation des échanges…) atteignit un degré sans précédent provoquant une chute des 2/3 du commerce mondial de 1929 à 1934.

En revanche, aujourd’hui, un degré d’interdépendances des économies jamais atteint associé à un système monétaire international de changes flottants réduit considérablement la portée de l’effet multiplicateur. Ainsi, il est largement admis que la politique de relance conduite par le gouvernement Mauroy de juin 1981 à juin 1982 buta sur un déficit extérieur accru (il passa de 0,8 à 2,2% du PIB) en faisant de l’année 1982, une année correcte du point de vue de la croissance (plus 2%) mais sans permettre d’inflexion du côté de l’évolution du chômage (on se souvient de F. Mitterrand proclamant que la barre des 2 millions de chômeurs ne serait pas franchie). Dans ce cas, tout s’est passé comme l’enseigne le modèle IS/LM/BP, c’est-à-dire que la dépense publique a évincé une partie des exportations et activé les importations. Tout en soutenant la croissance, le multiplicateur échoua à déterminer une croissance de plein emploi.

Une autre limite réside dans les arbitrages inter temporels opérés par les ménages. Reprenant, le théorème de l’équivalence Ricardienne, Robert Barro, en 1974, affirme que les agents anticipent rationnellement le relèvement des impôts que ne manquera pas de provoquer la politique de dépenses publiques : dès lors, les agents ne consommeront pas le supplément de revenus mais l’épargneront ; le multiplicateur devient nul alors que la seule politique budgétaire envisageable est une politique de crédibilité.

 

B/ L’oscillateur, combinant les effets multiplicateur et accélérateur explique le cycle court (donc les crises)

En 1939, Paul A. Samuelson combina les effets multiplicateur et accélérateur afin de donner une explication endogène des fluctuations courtes et donc des crises. Si, par l’accélérateur (I=v.∆C avec v le coefficient d’accélération et C la demande de consommation) l’investissement, comme composante des capacités productives, déstabilise l’économie en sur réagissant aux variations de la demande de consommation, par le mécanisme multiplicateur, l’investissement, comme composante de la demande, exerce un effet stabilisateur en ouvrant des débouchés par l’élévation des revenus.

 

C/ En ne révélant pas la nature profonde de l’investissement, le multiplicateur limite son intérêt

L’analyse keynésienne fait de la dépense publique la clé d’un déversement de vagues successives de revenus et de consommation. Pourtant, les infrastructures telles qu’un pont, une route, une voie ferrée sont créatrices de richesses par les externalités positives qu’elles sont susceptibles de générer. C’est la thèse défendue par l’école libérale de la croissance endogène (R. Lucas, R. Barro, P. Romer..) qui légitime les dépenses structurelles de l’Etat tout en rejetant les politiques conjoncturelles. Il s’agit de soutenir à long terme la croissance en utilisant les dépenses publiques pour inciter les agents à investir jusqu’au niveau socialement optimal. C’est alors la nature de la dépense publique et non son montant qui participe à soutenir un processus de croissance par l’offre qui est avant tout l’affaire des agents privés.

 

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