Grâce à d’énormes subventions publiques, la Chine est devenue, au cours des dix dernières années, le plus grand fabricant et innovateur de véhicules électriques au monde, suscitant la consternation des acteurs internationaux. Les mesures protectionnistes de l’Union Européenne (UE) et des États-Unis ont été une réponse à cette concurrence jugée déloyale, cherchant à défendre leur industrie automobile.
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L’ascension de la Chine dans l’industrie des véhicules électriques : Stratégies, subventions et défis mondiaux
Le gouvernement chinois a immédiatement reconnu l’importance de l’industrie des véhicules électriques. La transition énergétique mondiale, et avec elle les impératifs de réduction des émissions de CO2, ont fait des voitures électriques l’un des piliers centraux des stratégies industrielles pour l’avenir. Pour stimuler la production nationale, la Chine a mis en place une politique de subventions directes à l’achat de véhicules électriques. Par exemple, pour la seule année 2015, l’État chinois a accordé jusqu’à 60 000 yuans par véhicule électrique vendu, depuis ces subventions n’ont fait que croître. Ce sont des mesures qui ont permis à des entreprises comme BYD et NIO de se développer rapidement.
Par exemple, BYD a réussi à dépasser Tesla dans les ventes mondiales de véhicules électriques en 2022, un événement rendu possible en partie par ce soutien massif de l’État chinois et la taille du marché intérieur en forte croissance. La Chine domine aujourd’hui la chaîne d’approvisionnement des batteries (le principal composant des véhicules électriques) dans le monde, contrôlant environ 70 % de la production de batteries lithium-ion. Outre les subventions directes, la Chine a également investi massivement dans l’infrastructure de recharge et la capacité de production de batteries. Selon un rapport de Bloomberg, entre 2015 et 2020, la Chine a dépensé environ 58,8 milliards de dollars en subventions pour l’industrie des véhicules électriques, plus que tout autre pays.
Cette politique a provoqué de vives réactions en Europe et aux États-Unis. Les constructeurs automobiles traditionnels, tels que Volkswagen, BMW, General Motors et Ford, luttent pour conserver leur avantage face aux entreprises chinoises. La production à bas coût de la Chine, associée aux subventions de l’État, permet à ses constructeurs automobiles de vendre à un prix considérablement inférieur sur les marchés mondiaux. « Nous voulons une concurrence équitable avec la Chine. Mais ce n’est pas équitable », a déclaré Luca de Meo, le PDG de Renault. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré dans son discours annuel au parlement européen que « les marchés mondiaux sont désormais inondés de voitures électriques moins chères. Et leur prix est maintenu artificiellement bas grâce à d’énormes subventions publiques ». Les États-Unis partagent cette inquiétude. Dans un rapport du Wall Street Journal, l’administration Biden craint que la domination chinoise dans le secteur des batteries n’affaiblisse à long terme la compétitivité des constructeurs américains et européens. La stratégie chinoise, selon le sénateur Chuck Schumer, est un « modèle économique mercantiliste » qui vise à accaparer les marchés mondiaux.
L’Europe et les États-Unis ripostent : Stratégies pour contrer l’industrie électrique chinoise
Face à ces défis, l’UE a décidé de réagir. En septembre 2023, la Commission européenne a lancé une enquête antidumping visant les importations de véhicules électriques chinois. Elle vise à déterminer si les subventions chinoises permettent à ces entreprises de vendre leurs produits à des prix inférieurs au coût de production en Europe, faussant ainsi la concurrence. Cela pourrait être le prélude à l’extension des taxes compensatoires, semblables à celles appliquées précédemment à l’acier ou à l’énergie solaire. L’Europe ne sera pas un « terrain de jeu pour la concurrence déloyale », a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, dans un discours sur l’état de l’Union. « Nous devons nous protéger contre les pratiques qui faussent le marché et menacent nos entreprises ». L’enquête pourrait prendre des mois, mais elle s’inscrit dans le cadre d’une stratégie plus large de l’UE visant à renforcer sa puissance industrielle. Le Pacte vert pour l’Europe, l’un des projets phares de Bruxelles, prévoit d’augmenter la production de voitures électriques sur le continent afin de réduire la dépendance à l’égard des technologies et des matériaux importés, notamment de Chine. Dans le même temps, d’autres pays européens, comme la France et l’Allemagne, font pression pour que des subventions spéciales soient accordées à leurs propres constructeurs automobiles. L’idée est d’aider les producteurs nationaux à concurrencer les Chinois, tout en encourageant l’innovation verte. « Nous devons investir dans notre souveraineté technologique », a déclaré Bruno Le Maire, ancien ministre français de l’Économie et des Finances, lors d’une conférence organisée en octobre 2023 à Paris.
Les États-Unis ont déjà pris des mesures pour limiter l’influence de la Chine. La loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act) adoptée en 2022 accorde des subventions importantes aux voitures électriques fabriquées sur le sol américain. Elle prévoit un crédit d’impôt pouvant atteindre 7 500 dollars pour l’achat de véhicules électriques, à condition qu’ils soient assemblés aux États-Unis et que leurs composants proviennent de pays avec lesquels les États-Unis ont conclu des accords commerciaux, ce qui exclut la Chine. Le président a justifié cette mesure en affirmant qu’elle « revitalisera l’industrie américaine tout en créant des emplois verts ». Elle vise également à réduire la dépendance des États-Unis à l’égard de la Chine en ce qui concerne les composants essentiels des batteries, tels que le lithium et le cobalt. Une autre initiative visant à stimuler la fabrication de batteries aux États-Unis émane du gouvernement américain. En mars 2023, le département de l’Énergie des États-Unis (United States Department of Energy), a annoncé qu’il distribuait plus de 3 milliards de dollars pour financer des projets visant à accroître la capacité de production de batteries aux États-Unis.
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Cet épisode illustre un bras de fer géopolitique et économique qui ne s’applique pas uniquement au secteur automobile. L’hégémonie de la Chine dans le domaine des technologies vertes (très en avance sur les batteries et les panneaux solaires) est de plus en plus considérée comme une source d’inquiétude par de nombreux gouvernements occidentaux. Les énormes subventions accordées par Pékin sont considérées comme une menace pour la souveraineté industrielle de l’Europe et des États-Unis. Cette dernière pourrait s’étendre dans les années à venir. Les enquêtes antidumping et les initiatives industrielles font partie des moyens utilisés par l’UE pour rétablir l’équilibre concurrentiel. De leur côté, avec des lois telles que l’IRA, les États-Unis élaborent un régime qui profitera à leurs entreprises en les rendant aussi peu dépendantes que possible des importations chinoises pour tout type de production. Pourtant, Pékin semble décidé à faire valoir ses droits en saisissant l’OMC après l’entrée en vigueur, ce mercredi 30 octobre, des nouvelles taxes sur les véhicules électriques chinois. La Chine continue de soutenir massivement ses industries stratégiques et de renforcer ses infrastructures. En attendant, ce même secteur semble condamné à devenir un lieu de confrontation, chaque partie tentant de protéger ses intérêts économiques et industriels. Cela laisse présager, à court terme, une escalade de la confrontation entre la Chine d’un côté, l’Europe et les États-Unis de l’autre au sujet des subventions aux véhicules électriques, une ouverture aux mesures protectionnistes et la poursuite de la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Nous remercions l’association GEM ONU, partenaire de Mister Prépa et un de ses rédacteurs Farès DAOUD, pour l’écriture de cet article.
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