Une distinction peut être opérée entre le monde extérieur (ensemble des objets perçus par les sens, y compris le corps propre et les organes de la perception) et le monde sensible. Le second est celui qui nous intéressera : c’est l’ensemble des choses qui sont ou qui peuvent être l’objet de perception.
La perception, qu’est-ce que c’est ?
L’enjeu ici est de comprendre quels changements s’opèrent entre le moment où nous voyons le monde et le moment où nous le percevons. L’essayiste français René Huyghe évoque en 1955 dans son livre Dialogue avec le visible que « Nos perceptions du monde physique s’organisent en nous (…) sous forme d’images qui représentent avec le plus de fidélité possible ce qui se passe autour de nous. Mais perceptions, sensations, ne tombent jamais dans un terrain neutre; elles engendrent immédiatement une réaction affective, une émotion, qui varient selon la nature de ce qui les provoque, mais aussi selon la nature de celui qui les reçoit. ».
Ainsi nous voyons tous le monde physique, objectif, accessible à tous, mais l’information n’est pas réceptionnée de la même manière. Nos sensations et perceptions sont subjectives (i.e propres à un sujet) : c’est à ce moment que se définit le monde sensible. L’art est le domaine le plus intéressant pour illustrer ce propos, et surtout les œuvres littéraires dont la lecture constitue une expérience individuelle que l’on peut facilement confronter à celle des autres. Huyghe a encore dit (chapitre sur La civilisation de l’image et la liberté) que « (…) La lecture se pratique isolément ; elle apporte ses matériaux intellectualisés devant le tribunal intérieur qui, sauvegardé dans son retrait, peut choisir, agglomérer à sa guise les éléments dont il entend nous enrichir. ».
Le monde intérieur chez les romantiques
On définit le monde intérieur comme l’ensemble des faits mentaux et psychiques, ou encore comme un ensemble de choses, de concepts ou d’êtres formant un univers particulier. Il est intéressant d’observer comment les auteurs romantiques parviennent à expliciter leur propre monde intérieur au monde extérieur (pour rappel, le romantisme est un mouvement artistique et littéraire ayant donné une large place aux descriptions poétiques, aux épanchements intimes et aux sujets sentimentaux).
Prenons l’exemple de Baudelaire, célèbre poète et critique littéraire né en 1821. Ce romantique confronte la violence du monde extérieur avec sa vision d’un monde idéal. Il se confie d’ailleurs dans Mon cœur mis à nu : « Tout enfant, j’ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires : l’horreur de la vie et l’extase de la vie. ». Il rejette le monde capitaliste marqué par le profit et le progrès, et s’amuse à décortiquer les gens qui l’entourent, leurs habitudes, leur quotidien… Il observe, mais surtout critique le monde qui l’entoure et qui lui donne le fameux « spleen » pour se réfugier dans l’idéal. Par exemple dans son poème L’Idéal, les « pâles roses » du monde extérieur deviennent « une fleur qui ressemble à mon rouge idéal » dans son monde intérieur.
En bref… : Le monde extérieur est interprété par chacun de manière singulière. Les éléments du monde objectif sont examinés par notre « tribunal intérieur », faisant qu’il y a autant de mondes différents que de personnes qui l’observent.