À l’heure de la mondialisation, la capacité de transmettre rapidement et efficacement des données à travers le globe est devenue essentielle. Aussi bien pour les communications internationales, le commerce mondial, les services financiers ou la recherche scientifique, les câbles sous-marins sont aujourd’hui une technologie qui jouent un rôle crucial dans cette transmission de données. Surnommés “les autoroutes de l’information”, ce sont aujourd’hui 486 câbles sous-marins qui font transiter près de 99% des données numériques mondiales. Le reste se fait par satellites.
Les origines des câbles sous-marins
En 1866, le premier câble transatlantique en fil de cuivre est installé. Il révolutionne les communications internationales, en permettant des échanges de messages en temps réel entre les continents. Depuis lors, la technologie des câbles sous-marins n’a cessé de s’améliorer. Depuis les années 80 les câbles en fibres optiques sont privilégiés. Ils permettent de transporter une quantité beaucoup plus importante de données à des vitesses bien supérieures et sans perte de qualité.
Quel(s) rôle(s) jouent les Etats à l’ère du numérique ?
Les plus gros enjeux liés à l’installation ou au contrôle des câbles restent d’ordre géopolitique. Aujourd’hui, plus des 3⁄4 de ces infrastructures sont détenues par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Ces entreprises privées ont le contrôle sur la diffusion de l’information qui transitent par ces câbles. Elles détiennent aussi en grande partie les données que nous créons.
Aucun État ne détient donc de câbles sous-marins. Toutefois ils peuvent tenter d’exercer un contrôle sur la diffusion de l’information en soutenant la mise en place de câbles par leurs entreprises nationales. Par exemple, Orange en France tente de s’allier aux géants du numériques pour la mise en place et le contrôle des câbles. La Chine quant à elle investit massivement dans le déploiement de câbles numériques entièrement gérés par les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Son but est d’avoir la mainmise sur la transmission de l’information. La Chine gagne donc du terrain dans cette bataille de l’information qui se joue à l’ère du numérique. Mais les États-Unis, grâce aux GAFA, détiennent encore un rôle majeur dans le transit des informations.
Quels sont les dangers liés à leur caractère stratégique ?
- La privatisation de ces câbles sous-marins par des puissances comme la Chine est inquiétante. Elle peut servir à alimenter la censure et les mauvaises informations à l’échelle nationale, notamment en filtrant l’accès aux données et à internet dans tout le pays.
- La dépendance créée à l’égard de ces câbles à l’ère du numérique peut avoir des conséquences importantes sur la stabilité d’un pays. En particulier si son système économique et/ou d’organisation publique repose sur internet. En 2019 par exemple, la coupure du seul câble des îles Tonga a privé d’internet et coupé du monde les habitants des îles pendant 2 semaines.
- Tout comme d’autres transports, ces câbles peuvent être la cible d’attaques. Les actes de sabotages terroristes visant à couper l’accès d’Internet à une puissance ennemie sont un nouveau moyen de pression. Ils peuvent etre utilisés en temps de guerre notamment. La surveillance des télécommunications l’est aussi. Par exemple, l’augmentation du trafic naval russe près de câbles stratégiques depuis l’offensive russe en Ukraine ne rassure pas l’Europe et les États-Unis.
Comment sécuriser ces nouvelles routes ?
L’ensemble des câbles posés dans les profondeurs représente 1 200 000 kilomètres soit 32 fois le tour de la Terre. Leur installation demande des équipements (navires, robots, drones). Leur contrôle constant nécessite des moyens maritimes pour sécuriser les intérêts des puissances. Un fonctionnement fiable des cables est essentiel pour garantir la continuité des activités dans un monde de plus en plus numérisé. Guillaume Pitron explique : “si des navires câbliers ne passaient pas leur temps à les réparer, l’Internet mondial serait coupé en quelques mois à peine”.
Leur sécurisation s’avère également essentielle face à au manque futur de certaines ressources. En effet, les câbles sous-marins contiennent des ressources rares et stratégiques pouvant être recyclées et réutilisées. C’est une aubaine face à l’épuisement des minerais et autres métaux. Certaines entreprises comme Mer TechMarine commencent donc à racheter ces câbles obsolètes pour en exploiter leur potentiel de ressource. Toutefois, certains câbles qui ne sont plus utilisés restent au fond de l’eau car il est moins coûteux que de les remonter. Les inquiétudes environnementales face à l’expansion de ces infrastructures sont donc légitimes.
En conclusion, la souveraineté numérique d’un État est garantie par sa capacité à protéger ces nouvelles routes de l’information que représentent les câbles sous-marins. Pour assurer sa connectivité à Internet ainsi que la résilience de son réseau il est devenu primordial d’entretenir de bonnes relations avec les géants du numérique qui détiennent ces infrastructures. Toutefois, face à la dépendance toujours plus forte des pays au réseau Internet et à la corruption, la vigilance est de mise.