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Études de cas en géopolitique pour briller au concours #4

Sommaire

Si tu n’as pas encore lu l’épisode 3 de la série des études de cas pour briller au concours, clique ici, et si tu ne te souviens plus de la méthodologie pour faire une bonne étude de cas, clique .

 

Qatar : Small State, Big Politics (M. KAMRAVA, 2013)

Thèmes : Moyen Orient divisé / puissance régionale au Moyen Orient / jeu de puissance au Moyen Orient

 

Définitions indispensables « radicalisation de l’Islam » et « islamisation de la radicalité » : Deux mouvements différents semblent être à l’œuvre lorsqu’on parle de radicalisation et de l’Islam. Si certains, comme Gilles KEPEL dans Sortir du chaos. Les crises en Méditerranée et au Moyen Orient (2018), voit au Moyen Orient une « radicalisation de l’Islam » depuis 1973, où la guerre du Kippour (ou du Ramadan) marque un changement de paradigme (c’est au nom du djihad, qui permet de suspendre le jeûne, que les soldats arabes combattent). À la différence de Gilles KEPEL qui considère qu’il y aurait une « radicalisation de l’Islam », Olivier ROY voit plutôt une « islamisation de la radicalité » (les acteurs des trafics etc… deviennent islamiques).

 

Comment faire savoir qu’on s’y connait ?

  • Le Qatar c’est 11 500 km2 pour 2,2 M d’habitants tout en étant la 3ème réserve gazière mondiale(après Russie et Iran).
  • Au pouvoir, Tamim Ben Hamad Al Thani succède à son père en 2013 dans le contexte des printemps arabes de 2011 : ce qui est considéré comme une réponse en faveur des révolutions de la jeunesse (le renouvellement des élites était la réponse à la problématique de la jeunesse).
  • Au Qatar on retrouve aussi le fond d’investissement QIA (100MMde $) qui détient le Printemps Haussmann depuis 2012 et le Royal Monceau (questionnement de la problématique entre prédation et développeur).
  • Le Qatar investit énormément dans l’happening sportif avec une ouverture tout azimut : modération et médiation sur certains grands dossiers (cf. conflit au Dafour au Soudan), ce qui permet au Qatar d’exister face à l’AS.
  • Profit de l’éclipse des puissances régionales pour exister : investissement de la scène régionale (cf. diplomatie des forums comme pour le climat à Doha)

 

Une mélodie d’indépendance

Alors que la politique étrangère de l’émirat était, jusqu’au début des années 1990, peu ou prou alignée sur celle de son grand frère saoudien, le dirigeant qui arrive au pouvoir en 1995, le cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani, articule sa diplomatie autour d’orientations spécifiques, dont la volonté résolue de sortir de l’ombre de Riyad.

 

Se distinguer de Riyad

Dès le début des années 1990, le Qatar mise sur la multiplication des investissements stratégiques dans les économies de grands protecteurs / défenseurs, sur la construction d’une logique de réseaux à l’international (sa sécurité étant assurée par le fait que le Qatar est « ami avec tout le monde ») et sur la promotion d’une image de marque (à l’aide de l’empire médiatique d’Al Jazeera), liée notamment à son affirmation comme champion de la médiation. On pourra alors se questionner sur les conséquences de l’ostracisassions du Qatar : lors que le Quartet (AS, EAU, Égypte, Bahreïn) rompt ses relations avec la Qatar en juin 2017.

 

S’armer pour se sentir protégé par des grands protecteurs

Si les dépenses militaires du Qatar suivaient déjà une pente ascendante, une claire augmentation des achats d’armements a été immédiatement constatée après le début de la crise du Golfe (achats de Rafale, F-15, Typhoon, VBCI). Le premier lot de 5 Rafale français a ainsi été livré le 5 juin 2019, soit deux ans après le début de la crise, pour un contrat signé en mai 2015. L’utilité première de ces méga-contrats est en réalité de renouveler l’intérêt des grands partenaires du Qatar (États-Unis, France, Royaume Uni) à protéger l’émirat qui investit si lourdement dans leurs économies, en particulier par le biais des marchés d’armement. La volonté de Doha vise à pouvoir contrer une menace terrestre de ses voisins de la Péninsule, et d’assurer ses arrières en ne comptant plus seulement sur ses traditionnels alliés occidentaux.

 

Depuis les années 1990 : multiplier les accords afin d’être « ami avec tout le monde »

  1. Des grands partenaires déjà existant avec les États-Unis, la France, et le Royaume Uni mais ce n’est pas tout, car l’ambiguïté du positionnement des États-Unis vis-à-vis de la crise a suscité de nouveaux intérêts de protection.
  2. Consolidation du partenariat avec Ankara : convergence de vues entre le Qatar et la Turquie sur la pertinence d’un soutien aux Frère musulmans.
  3. Acceptation de l’aide proposée par l’Iran : alternatives à l’isolement économique imposé par le Quartet.
  4. Des partenaires inédits comme la Chine et la Russie : achat à la Chine de missiles balistiques BP-12A et de camions lanceurs SY-400 et à la Russie le système de défense aérienne S-400. Cependant bien que ces partenariats soient nouveaux, ils ne sont pas surprenants.

 

Exister par l’opposition

Alors que l’isolement du Qatar par les dirigeants émiriens et saoudiens avait pour but de faire rentrer le Qatar (celui qu’ils voient comme un isolent petit voisin) dans le(ur) rang, la crise a contribué à souder la nation qatarie derrière son jeune dirigeant, cheikh Tamin Ben Hamad Al Tahni.

Washington / Moscou : 30 ans depuis la fin de la Guerre Froide, quelle réconciliation ?

Thèmes : l’héritage de la Guerre Froide / Occident versus

 

Définition indispensable « sharp power » et « Poutinterm » : En 2017, dans The Meaning of Sharp Power. How Authoritarian States Project Influence, Christopher Walker et Jessica Ludwig, ont forgé un concept qui semble bien correspondre aux stratégies notamment de la Chine et de la Russie : le « sharp power ». Cette nouvelle forme d’influence autoritaire ressentie à travers le monde est « un pouvoir qui perce, pénètre et perfore l’environnement politique et informationnel des pays-cibles » ; ceux-ci sont victimes d’une propagande qualifiée à la fois « de subversive et de corrosive ». Elle est destinée à miner de l’intérieur des démocraties occidentales jugées décadentes, et donc vulnérables. Les États autoritaires voire totalitaires sont en position de manipuler l’opinion chez les autres, tout en la contrôlant sévèrement chez eux. Toutefois, le retour à cette pratique nuit à l’image qu’on se fait de la puissance qui en use. Ce qu’on gagne en sharp power, on le paie en soft power, selon Joseph.

 

Truquage des élections, un ancien président avantagé par une ingérence russe et redevable au Kremlin ?

Il est établi qu’il y a eu ingérence : D’une part via le piratage par des hackers russes du serveur et des emails du DNC, le Democratic National Committee, qui les ont donnés à WikiLeaks qui les a rendus publics durant la campagne présidentielle (attaquer le prestige du parti démocrate n’a pas eu beaucoup d’effets). D’autre part, l’ingérence russe a également pris la forme d’un marketing politique massif réalisé par un certain nombre d’officine russe (cf. le « sharp power » de Christopher Walker et Jessica Ludwig) : ils ont envoyé des millions de messages Facebook, d’emails et de liens vers de faux sites pour décrédibiliser Hillary Clinton. (Cela est tout à fait avéré, et l’on sait que ces pirates russes ont également été actifs lors des élections en Allemagne ou en France.)

L’enquête du procureur spécial Robert Mueller, entamée en mai 2017 et achevée en mars 2019, aura finalement conclu qu’il n’y avait pas eu de collusion entre les équipes de campagnes de Trump et ces actions russes, même si elles ont poursuivi des objectifs similaires : le parti républicain avait engagé la firme britannique Cambridge Analytica pour qu’elle effectue du marketing politique hyper-ciblé à partir des profils Facebook de 70M d’Américains.

Si l’on pouvait s’attendre à une amélioration des relations entre Washington et Moscou suite à la victoire de Trump (contre Obama), les deux pays ont multiplié les points de tension. 

Les relations ne sont pas très bonnes, car il y a une différence notable entre l’attitude de Trump, qui affiche une grande amitié pour Poutine, et le reste des institutions américaines (si les agences de renseignement américaines ont démontré l’ingérence russe, elles ont complétement été désavoué par le Président lors de sa rencontre avec Poutine à Helsinki en juillet 2018). Parallèlement, au Congrès, la plupart des Républicains ont conservé leur hostilité traditionnelle à l’égard de la Russie (date de la GF) et sont rejoint par les Démocrates. On peut notamment noter que lors du conflit en Ukraine, Trump voulait réduire les sanctions à l’encontre de certains dignitaires russes, alors que le Congrès a voté pour les renforcer en août 2017. Le corolaire s’illustre dans le fait que Trump dans sa veine populiste et isolationniste est plutôt défavorable à l’OTAN, alors que tout l’establishment est favorable à un renforcement de l’OTAN.

 

Syrie : théâtre d’affrontement entre la Russie et les États-Unis

Alors que la guerre contre Daech touche à sa fin et que Bachar el-Assad est toujours au pouvoir, l’annonce du retrait des troupes américaines de Syrie va renforcer la position de Moscou aux dépens de Washington dans la région, bien que la position russe ne soit pas nouvelle. La Russie entretient également depuis longtemps une alliance avec l’Iran et le régime syrien de Bachar el-Assad. Parallèlement si les États-Unis ont également été très présents dans la région, notamment après les interventions en Irak, le retour de Moscou dans la région date en réalité du second mandat d’Obama, plus précisément lorsqu’Obama renonce à intervenir en Syrie en août 2013 (franchissement de la ligne rouge).

 

Quelles conséquences à la sortie de Trump du traité INF le 22 novembre 2020 sous prétexte que Moscou viole cet accord depuis de nombreuses années ?

Les Américains dénoncent la mise en service d’un nouveau missile à portée intermédiaire le 9M729, qui selon Washington aurait une portée supérieure à 500 km (480km pour selon les russes), ce qui est interdit dans le cadre du traité INF. Certains stratèges occidentaux pensent que la suspension de cet accord n’est pas forcément une mauvaise chose, car la vraie menace missilière pour les États-Unis, c’est aujourd’hui la Chine, il serait donc stratégique pour les Américains de pouvoir produire et déployer des forces nucléaires intermédiaires plus modernes et plus aptes à contrer la menace chinoise.

 

Donald Trump a-t-il réellement été bénéfique à la puissance russe ?

Trump s’affaire depuis son élection à détruire le multilatéralisme et le système libéral international. Son élection sert donc de manière évidente la vision du monde de Poutine, et doit lui apparaître comme une excellente chose. De la sorte, le pouvoir de nuisance de la Russie poutinienne se trouve également renforcé. Dans le nouvel ordre international, les deux grandes puissances sont les États-Unis et la Chine. La Russie est avant tout une puissance régionale avec des extensions en Europe centrale et au Moyen Orient, mais guère au-delà. Elle mène une politique d’influence sur les réseaux sociaux, mais son PIB est égal à celui de l’Espagne… L’élection de Trump contribue donc à retarder l’effacement de la puissance russe sur la scène internationale.

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Antoine Dalenconte
Étudiant à l'ESSEC en provenance du parcours ECS à la suite de deux années au Lycée Kléber à Strasbourg et d'un khûbe à Saint Jean de Douai. L'égalité des chances commence par avoir toutes les clés en sa disposition. Voici mon expérience : une méthode rigoureuse en mathématiques, une progression fulgurante en géopolitique et un raisonnement abouti en dissertation de culture générale.