L’Europe a entretenu une relation historique avec la guerre. On peut remonter à la guerre du Péloponnèse du Vème siècle avant notre ère opposant les Spartiates aux Athèniens ou évoquer la guerre de Cent Ans entre 1337 et 1453. Si l’Europe n’était à cette époque pas encore unie comme aujourd’hui, il existe toujours des foyers de tension en son sein (Serbie et Kosovo). Cependant, depuis sa réunion en 1992, l’Europe se positionne en puissance agissante dans les conflits mondiaux. Ainsi elle entretient un double lien intérieur et extérieur avec la guerre. Comment analyser cela dans une perspective géopolitique ?
Une volonté historique de pacification intérieure
Comme explicité en introduction, l’Europe a connu dans son territoire d’innombrables conflits. L’enjeu a été au fil des siècles de trouver un moyen pour enrayer de l’intérieur ces éruptions guerrières. La première étape de ce dessein est réalisée en 1648 lors du traité de Westphalie. Cette date charnière établit la présence d’Etats comme acteurs à part entière. C’est alors l’avènement de la diplomatie : des fonctions telles que celles des plénipotentiaires sont créées de telle sorte à ce qu’un dialogue soit tenu entre ces Etats. C’est la diplomatie des Congrès : lors de sommets dans des villes européennes, les Etats traitent de sujets géopolitiques entre eux afin de minimiser le risque de guerre. Un bon exemple est le Congrès de Vienne en 1815 où le diplomate Metternich propose de réhabiliter la royauté en France après l’épisode napoléonien. C’est la Restauration et le retour de Louis XVIII sur le trône.
Par ailleurs l’Europe est ressortie exsangue des deux guerres mondiales tant sur le plan diplomatique que matériel. La reconstitution d’une entente interétatique européenne fut donc une priorité compliquée à exécuter. Cependant la recherche d’une paix européenne peut parfois se dérouler grâce à des personnalités. L’exemple de la réconciliation entre De Gaulle et Adenauer est éloquent. Marqué depuis la guerre de Sedan en 1870 de revanchisme, la France a alimenté une haine institutionalisée envers les Allemands. De l’autre côté du Rhin, le « Diktat » du traité de Versailles de 1919 a aussi nourri une rancœur. Ce ressentiment réciproque s’est ainsi résorbé en 1952 lorsque les Chefs d’Etat franco-allemand ont promis de coopérer dans la cathédrale de Reims, lieu symbolique car bombardé pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le risque de déléguer la protection de l’Europe à l’OTAN
Plus concrètement, comment protéger son territoire sans commandement intégré à l’Europe ? La question s’est déjà posée dans l’après-guerre entre pays européen. Cependant, l’Assemblée Nationale française rejette cette initiative en 1954 craignant de voir réapparaître le spectre de la Wehrmacht (armée allemande)… Dès lors le choix a été de choisir qui allait protéger l’Europe naissante : les Etats-Unis furent les grands gagnants. Sortis victorieux de la Seconde Guerre mondiale avec l’URSS, ils créent l’OTAN en 1949. Tous les pays d’Europe de l’Ouest le rejoignirent tandis que ceux d’Europe de l’Est choisirent l’équivalent soviétique. Ainsi, cette fracture a fait naître l’Europe qu’on connaît aujourd’hui. L’Europe a été construite dans la Guerre Froide.
« Nous n’avons pas fait l’Europe et nous avons eu la guerre » Cette célèbre citation de Robert Schuman lors du discours de la salle de l’Horloge en 1950 résume parfaitement la situation de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. On voit bien à travers le prisme de cette phrase que la constitution de l’Europe est intimement liée à sa protection. Ainsi, quand la Guerre Froide s’acheva en 1991, l’Europe pu commencer à orienter sa politique étrangère et intérieure, quand elle fut libérée de l’influence des « Deux Grands ». Le deuxième pilier institutionnel du traité de Maastricht, la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC), en découle. Ce n’est qu’en 2007, lors du traité de Lisbonne, que l’on prévoit la possibilité de définir une politique de défense commune de l’UE en éludant l’idée d’une armée à proprement parler.
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Les nouvelles guerres dont l’Europe fait face
Comment ne pas mentionner le retour de la guerre en Europe depuis 2022. L’Ukraine se fait envahir par le flanc Est depuis ses républiques sécessionnistes de Lougansk et de Donetsk par la Russie de Poutine. Depuis maintenant deux ans, le choc a été encaissé si bien que le record de prêts d’armements pour un pays hors UE a été battu (plus de 7,2 milliards d’euros). Elle contraste avec l’échec cuisant de l’opération EUFOR Althea destiné à aider la Bosnie-Herzégovine en guerre avec la Serbie lors de l’implosion de l’ex-Yougoslavie. Les Etats-Unis ont été contraints d’intervenir pour faire signe le traité de Dayton en 1995 aux deux parties. Mais l’enjeu de protection des nations en guerre dépasse largement le cadre européen. En effet, l’opération humanitaire Artémis lancée en 2003 visant à aider le Congo a été un franc succès. Il reste maintenant à concilier l’OTAN et l’initiative d’une défense européenne unie : les pays riverains de la Mer Baltique montrent toujours leur franc soutien au projet otanien au détriment de la PESC…
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