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L’importance du colloque Lippmann dans la dynamique de la construction européenne

Sommaire

Le Colloque Walter Lippmann de 1938 est un évènement majeur de l’histoire de la pensée économique et de la construction européenne. Louis Rougier réunit alors à Paris un ensemble de penseurs aux horizons économiques variés, dont Friedrich Hayek, Wilhelm Röpke et Jacques Rueff, pour discuter de la refondation du libéralisme après l’échec du laissez-faire.

C’est la première fois que le terme « néolibéralisme » apparait de façon explicite et collective, en réaction à l’instabilité économique des années 1920 et du traumatisme de la Grande Dépression. Pourquoi les réflexions de ces économistes sont si novatrices par rapport à celles de leurs prédécesseurs, et pourquoi ce colloque a-t-il tant influencé l’essor de la construction européenne ?

 

L’opposition de l’ordre spontané contre l’ordre construit

Le mécanisme principal discuté lors du colloque est la dichotomie entre l’ordre spontané et l’ordre construit, un concept central de Friedrich Hayek. Hayek soutient que l’ordre spontané, c’est-à-dire l’organisation émergeant naturellement des interactions libres entre individus, est préférable à tout ordre construit par l’État. Il distingue trois types d’ordres : naturel, construit et spontané. L’ordre spontané est celui qui régit les interactions économiques sans intervention, permettant ainsi l’efficacité maximale des marchés. Ce mécanisme s’oppose aux politiques interventionnistes, vues comme distorsionnaires, car elles créent des incitations perverses et entravent le bon fonctionnement de l’économie.

En contraste avec l’approche physiocratique ou manchestérienne du laissez-faire intégral, les participants du colloque, tout en reconnaissant les failles du libéralisme ancien, s’accordent sur l’idée que l’État doit jouer un rôle actif, mais limité, dans la régulation des marchés. Louis Rougier propose ainsi un « libéralisme constructeur », dans lequel l’État agit comme un jardinier, en créant un cadre favorable à la liberté économique, mais sans étouffer l’initiative individuelle. Ce mécanisme trouve un écho dans le concept de l’ordolibéralisme en Allemagne, développé par des penseurs tels que Walter Eucken, où l’État établit un cadre légal rigoureux pour garantir la concurrence sans failles.

Le néolibéralisme, pour le dire simplement, supposait que le marché non réglementé soit plus efficace que le marché réglementé. Tout réglementaire trop important étouffe l’innovation, la compétitivité et la croissance, tandis que les individus sont les mieux placés pour déterminer leurs propres intérêts et leurs actions inconscientes, où les intérêts individuels sont orientés vers le profit, générant une organisation spontanée de l’économie. Ceci est présent sous la forme de states. Les états peuvent établir une sorte de dignité. Mais si cette dignité conduit à des subventions étatiques aux retraites ou aux crédits d’impôt, la dignité crée une inefficacité.

D’un point de vue plus complexe, cette vision repose sur un principe fondamental de l’économie mathématique. L’économie néolibérale peut être représentée comme une série d’équations où les agents (individus ou entreprises) maximisent leur utilité (U) ou leur profit (π), sous contrainte des ressources disponibles. L’ordre spontané s’exprime par la fonction d’utilité des agents U=f(x1,x2,…,xn), où chaque xreprésente une décision individuelle dans un marché. Lorsque l’État intervient en imposant une réglementation, une contrainte supplémentaire s’ajoute : C≥0, ce qui modifie l’optimum économique naturel. Ainsi, chaque intervention étatique ajoute un coût C, qui réduit le potentiel de l’optimum de Pareto  (dC/dU​) < 0.

 

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Citation punchy 

« Ce n’est pas de la bienveillance des boulangers, des brasseurs ou des bouchers que nous attendons notre dîner, mais de leur propre intérêt » Friedrich Hayek, La route de la servitude (1944)

L’exemple de l’Allemagne d’après-guerre

Ainsi, l’influence de l’ordolibéralisme visant au maintien de la concurrence libre et une intervention de l’État dans les affaires privées le moins possible, a contribué au succès économique de l’Allemagne de l’Ouest, où un « compromis » entre les deux idéologies les plus importantes du XXe siècle a été réalisé. La production de l’industrie lourde allemande a triplé entre 1950 et 1960, la croissance de cette industrie était de 8 % par an dans les années 1950 et l’Allemagne est devenue l’un des géants économiques de l’Europe. Ce taux élevé de croissance a été atteint grâce à une politique de marché libre en constante harmonie avec des régulations minimes. Le fonds pour ses succès était le développement stable de l’infrastructure économique, mais l’État ne s’est pas immiscé directement dans les processus d’entreprise. La conférence Lippman a bien montré qu’un ordre spontané était possible.

 

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Aurele Tranchant