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La géopolitique de la Turquie : le double jeu d’Erdogan

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La géopolitique de la Turquie: Le double jeu d’Erdogan

La géopolitique de la Turquie est bien plus complexe qu’il ne peut paraître. Découvrez le double jeu d’Erdogan dans les relations internationales !

 

Avant-propos:

Parler de la géopolitique de la Turquie fait jaillir une série de sentiments ambivalents. Pour certains Erdogan est l’architecte d’une Turquie puissante et moderne. Pour d’autres, c’est un dictateur qui détruit progressivement l’héritage kémaliste de la Turquie.  Aujourd’hui, l’équipe Mister Prépa souhaite vous faire part d’une analyse désintéressée qui va nous permettre de comprendre pourquoi cet allié clef des États-Unis et membre de l’alliance atlantique s’est rapproché de manière conséquente de la Russie.

L’OTAN a aujourd’hui 70 ans, le président français Emmanuel Macron avait déclaré que l’alliance est en état de « mort cérébrale » car l’unilatéralisme l’emporte sur la coopération même au sein de l’alliance. Le président faisait évidemment référence à l’offensive militaire turque en Syrie contre les forces kurdes. L’opération nommée de façon orwellienne “source de paix” avait pour cible les milices kurdes, pourtant grands alliés des occidentaux dans la lutte contre l’État Islamique. L’objectif d’Erdogan est de créer une zone tampon à la frontière syrienne et de chasser les milices du PYD, alliées du PKK ( Parti des travailleurs du Kurdistan ) que la Turquie considère comme une organisation terroriste loin de la frontière. De plus, on ne peut que constater le rapprochement entre Ankara et Moscou, ce qui n’est pas sans crisper l’allié américain. Comment expliquer ce virage stratégique ? Quelles sont les éléments de la géopolitique du président Erdogan en Turquie, au Moyen-Orient et, enfin, dans le monde ?

 

Renforcer son pouvoir à l’intérieur de la Turquie : le principal objectif du président Erdogan

  • Contexte historique et géographique:

Remontons un peu dans l’histoire, Mustapha Kemal Atatürk fait de la Turquie le premier pays musulman républicain et laïc. Général victorieux d’un empire défait, Mustapha Kemal proclame la République en 1922 et abolit le califat. En 1930, il donne le droit de vote aux femmes aux élections locales et, en 1934, pour les élections nationales ; les femmes et les hommes deviennent égaux en droit.

  • La politique d’Erdogan

La Turquie d’Erdogan est passée progressivement d’un Etat laïc à un Etat islamo-conservateur. Erdogan se présente comme le défenseur du monde sunnite et comme un fervent allié des frères musulmans (organisation qui mériterait un article qui lui serait intégralement dédié). Toutefois, la situation économique du pays a connu des jours meilleurs : le PIB est passé de 950 milliards de dollars en 2013 à environ 743 milliards de dollars en 2019. Le chômage avoisine les 13%. L’inflation a augmenté de 5 points entre 2017 et 2018 du fait des sanctions américaines.

Les électeurs ont tenu compte de cette situation lors des dernières élections municipales qui ont vu l’AKP, le Parti Justice et Développement, perdre des villes stratégiques dont la plus importante est Istanbul même si cette dernière était aux mains d’Erdogan depuis 20 ans. Pour se maintenir au pouvoir, Erdogan use de discours nationalistes et souhaite fédérer la diaspora. Ses prises de position lui valent une certaine popularité auprès des classes moyennes conservatrices de l’intérieur du pays. Il faut aussi noter que 3,5 millions de réfugiés syriens se trouvent toujours sur le territoire turc et que l’Union Européenne verse des compensations à la Turquie de crainte de l’arrivée d’une nouvelle vague migratoire du Moyen-Orient.                                   

Dans la région MENA : renforcer la présence des frères musulmans

La stratégie idéologique de l’AKP va de pair avec sa stratégie à l’intérieur de la Turquie : islamiser la société par le bas. Erdogan fut un grand allié du président égyptien issu de la mouvance des frères musulmans Mohamed Morsi. Il a même encouragé les égyptiens à voter pour lui. L’AKP soutient aussi le parti Ennahda en Tunisie. En Lybie, la Turquie soutient militairement le Gouvernement d’Union Nationale (GNA) contre l’autoproclamé maréchal Haftar, lui-même soutenu par Ryad, Abu Dhabi et le Caire. Il s’agit  là de l’opposition qui divise le monde sunnite : Erdogan prône un islam « républicain » contre le wahhabisme de l’Arabie Saoudite. Erdogan est soutenu par le Qatar et sa chaine El Jazeera qui a grandement contribué à renforcer sa popularité. La politique de la Turquie vis-à-vis d’Israël est ambivalente : d’une part, les échanges commerciaux entre les deux pays ne cessent de s’intensifier, d’autre part, depuis que l’AKP est au pouvoir, les relations entre les deux Etats s’enveniment.

 

Erdogan dans le monde : un « agitateur pragmatique » (Sarah SRIRI)

  • Rapprochement avec la Russie

Pourtant membre de l’alliance atlantique, la Turquie s’est rapprochée considérablement de la Russie après 2017. L’acquisition récente par Erdogan  de missiles sol-air russes en témoigne. La Turquie demeure un Etat clef pour l’OTAN : son emplacement stratégique couplé à son infrastructure en font un allié de poids pour les États-Unis. Si l’accord de Sotchi entre la Turquie et la Russie (dans le cadre des accords d’Astana) sur la Syrie a été qualifié d’historique, il ne faut pas oublier que les interventions de la Turquie en Syrie et en Lybie fragilisent les relations entre Ankara et Moscou.

  • Maintien du double-jeu

Sur tous les volets, Erdogan joue les équilibristes. Il se rapproche de la Russie tout en restant dans l’OTAN. Il fait pression sur l’Union Européenne (notamment en agitant la menace migratoire) mais conserve le statut d’État candidat à l’entrée à l’UE ce qui permet à la Turquie de bénéficier d’aides financières. Sur le plan régional, Erdogan souhaite s’imposer comme le nouveau leader du monde sunnite et conteste la politique des pétromonarchies du Golfe. Il se prononce contre le « deal du siècle » de Donald Trump et prend la défense des minorités musulmanes dans le monde. Il veut exporter son modèle aux autres pays de la région MENA à travers l’influence des frères musulmans.

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Khalil Lbadaoui
Je m'appelle Khalil, passé par une prépa ECS et aujourd'hui étudiant à NEOMA BS campus de Reims. Passionné de géopolitique, j'ai à coeur de vous donner une approche synthétique des grands enjeux de cette matière et de vous aider à bétonner votre méthode.