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Les modes de financement de l’industrialisation au 19ème siècle ?

Sommaire

Dans un article, nous te proposons de revoir les modes financement de l’industrialisation au 19ème siècle. 

 

I/ L’autofinancement a un rôle moteur dans la première industrialisation

Lire plus : La distinction industrialisation précoce / industrialisation tardive est-elle pertinente ?

A/ La faiblesse du capital lors de la première révolution industrielle

Le capital nécessaire à l’activité industrielle était très modeste jusqu’au premier quart du 19ème siècle. Selon Jean Pierre Rioux, en 1780, il ne faut pas plus de 25£ en capital, soit 4 mois de salaire, pour embaucher un salarié. Il était donc facile d’autofinancer les projets, soit dans le cadre familial en particulier dans la sidérurgie souvent héritière des maîtres de forges, soit en regroupant les fonds de quelques associés.

S’il fallait emprunter, il s’agissait la plupart du temps de prêts hypothécaires auprès des intermédiaires traditionnels qu’étaient le notaire en France et l’attorney en Grande Bretagne. Ensuite, c’est souvent le réinvestissement des profits qui permet de maintenir l’effort d’investissement. Patrick Verley note effectivement la consommation modeste des « patrons » qui doivent satisfaire en priorité les besoins de financement de l’entreprise.

B/ L’épargne comme condition nécessaire de l’ investissement

On voit donc qu’il y a bien à cette époque, identité entre épargnant et investisseur. On comprend alors pourquoi l’épargne est une vertu selon la morale de la bourgeoisie.

« Enrichissez vous par le travail et par l’épargne » déclarait ainsi Guizot sous la monarchie de juillet. A l’exception notable de Malthus, l’école classique a considéré en effet que l’épargne est source d’enrichissement car elle permet d’accumuler le capital. Par exemple, chez Adam Smith, le lien entre l’épargne et l’accumulation du capital est explicite : « les capitaux augmentent avec l’économie ; ils diminuent par la prodigalité et la mauvaise conduite ». Cette relation valable pour l’individu l’est aussi pour la nation, et Smith ajoute alors « de même que le capital d’un individu ne peut augmenter que par le fond que cet individu épargne sur son revenu (…) de même que le capital d’une société, lequel n’est autre chose que celui de tous les individus qui la composent, ne peut s’augmenter que par la même voie ». Se trouve ici fondé l’un des dogmes de l’analyse classique et de la pensée économique du 19ème siècle. 

II/ L’évolution des modes de financement dans la seconde moitié du 19ème siècle

A/ L’augmentation des besoins de financement

A partir du milieu du siècle, les besoins de financement augmentent avec l’apparition de nouvelles branches d’activité, en particulier les chemins de fer qui contrairement au textile sont gourmands en capitaux immobilisés. Désormais, le capital fixe l’emporte sur le capital circulant. Ainsi jusqu’en 1870, les marchés financiers ne financent guère d’entreprises industrielles, et les titres privés sont introduits massivement à partir de la révolution ferroviaire. Grâce aux garanties d’état, les obligations deviennent selon Patrick Verley, des placements de pères de famille. Pierre Cyrille Hautcoeur évalue à 13 milliards de Francs le montant des titres émis par les compagnies ferroviaires à Paris, un montant équivalent à celui des titres publics au 19ème siècle. 

B/ La révolution bancaire

Entre 1830 et 1870, on assiste également à une véritable révolution bancaire. Les dates varient selon les pays en fonction de la précocité de leur croissance. Si en Grande Bretagne des grandes banques de dépôts ( les joint stock bank ) comme la Westminster bank ou la Midland bank apparaissent dès les années 30 , elles pratiquent essentiellement du crédit commercial, et laissent les crédits vers l’ extérieur à des établissements spécialisés.

Le marché a pu assuré « seul » le financement des chemins de fer, sans qu’apparaissent de nouvelles banques. En conséquence le système bancaire restera très spécialisé. En France , sont créés en 1852 , le Crédit foncier, et surtout la crédit mobilier des frères Pereire ,qui deviendra rapidement un véritable groupe financier présent dans les chemins de fer, le transport maritime, l’immobilier, les assurances. Le Crédit Lyonnais, la Société Générale, apparues respectivement en 1863 et 1864, mettent en place de véritables réseaux d’agences pour « traquer l’épargnant » selon la formule d’Henri Germain, fondateur du Lyonnais, qui comptera plus de 600 000 titulaires de comptes en 1914, alors qu’ils n’étaient que 12500 en 1871.

A l’instar des banques universelles allemandes, les banques françaises sont avant 1873 des banques mixtes qui collectent et investissent, pratiquent une forte activité de transformation, c’est à dire adaptent les fonds dont elles disposent aux besoins de financement de l’économie en transformant des ressources à court terme en crédits long terme.

III/ Quelle efficacité des modes de financement ?

A/ L’efficacité bancaire

L’évolution des modes de financement s’accélère à la sortie de la grande dépression et jusqu’à la veille de la première guerre mondiale. A Paris, la part de l’autofinancement passe ainsi de 81% à 45 % en 1913, les banques assurant 20 % du financement et les marchés 35%. Malgré leur repli relatif, les banques de dépôts continuent leur développement spectaculaire, et restent efficaces.

Selon Hubert Bonin, le nombre d’agences est multiplié par trois entre 1880 et 1913, le montant des dépôts est quant à lui multiplié par 6, et la France crée sur cette période deux fois plus d’effets de commerce que l’Allemagne. la comparaison entre taux d’investissement et taux d’intérêt en France au 19ème nous montre également que dans l’ensemble il n’y a pas de pénurie d’épargne. Les taux supérieurs à 6% entre 1815 et 1824 convergent ensuite vers les 4% avec deux exceptions près : 4.9% entre 1855 et 1864 pendant la forte croissance du second empire pendant laquelle le taux d’investissement est de 20,5% ; et 1885 – 1900 où le taux d’intérêt tombe à 3.2 % malgré un taux d’investissement de 21.3%.

Finalement, cette épargne collectée est même «trop abondante» compte tenu des besoins domestiques. Par exemple en Grande Bretagne, la répartition de l’épargne britannique est la suivante : 30% vers l’économie domestique, 25 % vers l’empire et le reste vers l’étranger.

B/ À la fin du 19ème siècle, les modes de financement sont source d’instabilité

En effet, les crises économiques passent désormais par les banques. Les Krachs boursiers mettent celles – ci en difficulté, voire en faillite, en raison de l’insolvabilité de leurs clients ou d’une perte de rentabilité de leurs placements. Il en sera ainsi en 1866 à Londres pour la maison Overend and Vurney, en 1873 pour la Kredietanstalt de Vienne , la Jay Cook and Co à New York, ou encore pour l’ Union Générale à Paris en 1882. Après cette date, on assistera en France, à un renforcement de la spécialisation du système bancaire avec le repli accentué des banques de dépôts. Repli théorisé par Henri Germain au nom de la sécurité des déposants : « Les dépôts à vue et les comptes courants doivent constituer une catégorie à part (…) ayant comme exacte contrepartie l’encaisse et les autres ressources immédiatement réalisables ». Le système bancaire demeure néanmoins le maillon faible du système économique jusqu’à la crise de 29.

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