En Amérique latine, les phénomènes climatiques prennent une ampleur alarmante. En 2023, à Montevideo en Uruguay la pénurie d’eau potable a été si grave que le gouvernement a été contraint de mélanger l’eau douce avec de l’eau salée . L’Amérique Latine subit les effets du réchauffement climatique de manière particulièrement aiguë, souvent plus que d’autres parties du monde. Ces préoccupations ne sont pas nouvelles. En Bolivie, par exemple, la « guerre de l’eau » qui a eu lieu dans les années 2000 à Cochabamba, est un événement marquant dans l’histoire du pays.
Ce contexte a inspiré Iciar Bollaín, une réalisatrice madrilène à réaliser También la lluvia qui se concentre sur ce sujet. Le film raconte l’histoire de Sebastián, un réalisateur qui souhaite tourner un film sur Christophe Colomb et le génocide perpétré par les Espagnols contre les indigènes. Cependant, durant le tournage à Cochabamba en Bolivie, des émeutes éclatent, provoquées par la décision du gouvernement de privatiser l’eau. À mesure que les troubles s’intensifient, l’un des acteurs s’engage de plus en plus dans le mouvement de protestation, mettant en péril l’achèvement du film. Au fil du temps, l’équipe de tournage réalise qu’il est impossible de rester indifférent aux problèmes socio-environnementaux auxquels les habitants de Cochabamba sont confrontés.
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Néo-colonialisme à travers le prisme d’un film
También la lluvia, en suivant la production du film de Sebastián présente une reconstitution de la colonisation de l’Amérique Latine. Tout au long, le film nomme de grandes personnalités qui ont joué un rôle dans la colonisation. Par exemple, Bartolomé de las Casas y est mentionné, un évêque espagnol qui dénonçait les abus faites aux indigènes et défendait que ces derniers possèdent bien une âme. Néanmoins, le film dresse aussi un parallèle troublant entre la colonisation historique des indigènes par les Espagnols et l’exploitation contemporaine des populations amérindiennes. Le tournage, censé exposer la colonisation passée des peuples autochtones, révèle en fait une continuité des dynamiques coloniales. Certains membres de l’équipe, comme Costa, le directeur de production, affichent une attitude de supériorité envers les habitants locaux. Lors d’une conversation téléphonique en anglais, Costa rabaisse les indigènes en déclarant qu’ils se prennent pour des “rois du monde” lorsqu’ils gagnent seulement deux dollars par jour. Le film soulève ainsi la question de l’image et de la représentation des indigènes.
Par ailleurs, le film met en lumière une autre forme de colonisation. La néocolonisation, c’est à dire une situation de dépendance d’un État envers un autre pour des raisons économiques. En effet, dans también la lluvia , les entreprises étrangères, tentent d’imposer leurs propres règles concernant la gestion de l’eau, ignorant totalement les besoins des populations locales. Ce contraste entre une colonisation classique et une colonisation économique moderne souligne la persistance des inégalités et de l’exploitation des peuples autochtones.
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La pénurie d’eau : un danger croissant
La pénurie d’eau n’est pas un phénomène nouveau, mais elle devient de plus en plus préoccupante, menaçant de déclencher des crises sociales majeures. Le contrôle de l’eau, de plus en plus centralisé par les États, suscite également des tensions. Le film También la lluvia peut être interprété comme une œuvre écologique, son titre suggérant même que, dans un futur proche, l’eau de pluie pourrait être privatisée.
L’exemple le plus marquant de cette dynamique est la Guerre de l’Eau en Bolivie dont le film y est très clairement référence, survenue en 2000 à Cochabamba. Ce conflit social et politique a opposé les habitants — notamment des associations, syndicats et paysans — au gouvernement bolivien et au consortium transnational Aguas del Tunari, qui avait obtenu la concession des services d’eau potable municipaux. Dans les années 1980, sous l’influence de la Banque mondiale, le gouvernement bolivien avait lancé des politiques de privatisation des services publics, y compris de l’eau. Mais en janvier 2000, la population de Cochabamba, principalement les plus pauvres et les indigènes, s’est soulevée contre cette privatisation, qu’ils percevaient comme une atteinte à leur droit fondamental à l’eau potable. La Guerre de l’Eau a finalement conduit à la chute du gouvernement et à la résiliation du contrat avec Aguas del Tunari. Le gouvernement a dû restaurer la gestion publique des services d’eau et réduire les tarifs, marquant ainsi la victoire des habitants contre la privatisation.
Cependant, ce problème est susceptible de resurgir. Autrefois, la sécheresse et la pénurie d’eau concernaient principalement les pays en développement, mais aujourd’hui, ces enjeux touchent également les pays développés. Par exemple, cette année en Espagne, en Catalogne, le gouvernement a été contraint d’imposer des restrictions sur l’utilisation de l’eau en raison de la sécheresse. Cette décision a été controversée, car les hôtels et les terrains de golf ont continué à utiliser de l’eau pour répondre aux besoins des touristes , tandis que les habitants locaux ont dû réduire leur consommation. Ainsi, También la lluvia est un film non seulement riche en histoire, mais également toujours pertinent aujourd’hui.
Vocabulaire
- Environnement : medio ambiente
- tourner un film : rodar una película
- le tournage d’un film : el rodaje de una película
- Christophe Colombe : Cristóbal Colón
- entreprise étrangère : empresa extranjera