Publié en 1967, Cien años de soledad est sans doute l’œuvre la plus emblématique de Gabriel García Márquez, le maître du réalisme magique. Ce roman fascinant raconte l’histoire de la famille Buendía, résidant dans le village fictif de Macondo et suit les destinées de sept générations de cette famille, révélant leurs succès, leurs échecs, leurs amours et leurs tragédies. En mêlant des éléments du fantastique à la réalité, García Márquez tisse une toile complexe où l’extraordinaire se fond avec le quotidien. Cependant, au-delà de ses personnages mémorables et de ses récits entrelacés, Cien años de soledad est souvent interprété comme une métaphore poignante de l’histoire de l’Amérique latine. À travers l’évolution du village de Macondo qui représente l’Amérique latine elle-même, l’auteur explore les thèmes de la colonisation, la mémoire et de la violence qui ont marqué le continent. Cet article se propose d’analyser comment Cien años de soledad parvient à refléter les tumultes historiques de l’Amérique latine pour que tout étudiant puisse s’y référer durant ses épreuves orales comme écrites.
L’Amérique Latine, un continent convoité
Le village où se tient le récit est Macondo. À ses débuts, Macondo prenait l’allure d’une organisation autosuffisante se basant sur l’agriculture, un village utopique où les propriétés privées étaient réparties équitablement. Autrement dit, Macondo était comme l’Amérique latine avant l’arrivée des Espagnols. Néanmoins, après que l’Amérique latine ait gagné son indépendance vis-à-vis de l’Espagne au XIXe siècle, elle a été et reste encore aujourd’hui une terre prisée par les puissances mondiales. Cien años de soledad y fait référence à travers les entreprises bananières qui exercent à la fois un pouvoir économique et politique sur le village. L’entreprise en question exploite les travailleurs, leur niant les droits du travail les plus rudimentaires. En réaction, les travailleurs s’unissent et organisent des grèves. Néanmoins, l’armée locale réprime de manière sanglante les grèves des travailleurs. Cet événement est une référence directe au massacre des bananeraies qui a eu lieu en 1928 en Colombie. À l’époque les ouvriers se sont soulevés dans l’espoir d’acquérir de nouveau droits sociaux. Malheureusement, à l’instar du livre, l’armée colombienne ouvrit le feu sur les grévistes de la United Fruit Company (ancienne entreprise américaine).
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La question de la mémoire en Amérique latine au coeur de “Cien años de soledad”
Suite au massacre mentionné , le corps inconscient de José Arcadio Segundo, l’un des protagonistes que nous suivons ponctuellement dans le récit, est entassé dans un wagon pour ensuite être versé dans la mer. Par chance il reprend conscience et s’enfuit pour témoigner de l’horreur perpétrée par l’armée à Macondo. À son retour, il est stupéfait de constater que personne n’est au courant de ce qui s’est réellement passé ; pire encore, beaucoup lui affirment qu’un tel événement n’a jamais eu lieu (« no hubo muertos »). L’oubli et la mémoire jouent un rôle fondamental dans cette œuvre, faisant écho à l’expérience de l’Amérique Latine. Nombreux pays ont connu des violences faites aux droits humains durant les dictatures, où les régimes ont souvent tenté de nier les disparitions et les décès, à l’image des régimes de Jorge Rafael Videla ou de Pinochet. En effet, encore aujourd’hui, il n’existe pas de consensus vis-à-vis du nombre de morts. À la fois en Argentine et au Chili, la droite et la gauche ne se mettent pas d’accords sur un chiffre précis.
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“Cien años de soledad” : un miroir littéraire des guerres civils en Colombie
Dans Cien años de soledad, Gabriel García Márquez illustre les ravages des guerres civiles. En effet, à travers les expériences du colonel Aurelanio Buendía, le lecteur comprend les conflits entre le parti libéral et conservateur. Durant une bonne partie de l’ouvrage Macondo sombre dans la violence, les amitiés autrefois tissées sont rompues devant les murs de fusillade. Étant lui-même colombien Gabriel García Márquez fait référence à l’histoire de son pays à travers Cien años de soledad. En effet, la Colombie a été malheureusement marquée par de nombreuses guerres civiles. Sans compter le conflit armé actuel avec le ELN , le pays a connu d’innombrables guerres civiles. Nombreuses ont été causées par le conflit idéologique entre les deux partis traditionnels : les Libéraux et les Conservateurs. García Márquez s’inspire grandement de la Guerre des Mille Jours (1899-1902) qui oppose les libéraux contre les conservateurs. Cette guerre a provoqué des dizaines de milliers de morts et d’énormes destructions. Le grand-père de García Márquez y a participé au côté des libéraux. Par conséquent Cien años de soledad dévoile la futilité et les atrocités commises durant les guerres civiles.
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