Les politiques de l’emploi englobent un large éventail d’interventions publiques visant à augmenter l’emploi et réduire le chômage. Les définitions varient, allant de simples dispositifs ciblés à l’ensemble des interventions ayant pour objet d’augmenter le niveau d’emploi.
Dans le cas présent, nous distinguerons surtout les mesures dirigées vers l’offre de travail : incitation à la reprise de l’emploi, politiques fiscales, formation.
Les politiques de l’offre
A l’instar des politiques de la demande qui agissent sur le comportement des employeurs, nous trouvons de nombreuses mesures qui visent à agir sur l’offre de travail formulée par les ménages. Il s’agit principalement d’agir sur le salaire de réserve et/ou de réservation des individus.
Partager le travail disponible
Dans les années 1970-1980, de nombreux gouvernements, les pays de l’OCDE en particulier, ont proposé des politiques cherchant à réduire l’offre de travail des actifs en emploi. Il s’agissait alors d’inciter leur sortie du marché pour favoriser la reprise d’emploi des chômeurs et/ou inactifs. Autrement dit, il faut “partager” le travail disponible. Ce type de mesure se décline selon plusieurs modalités.
L’action sur le nombre d’actifs
Sur le plan théorique, il peut s’agir notamment de restreindre l’immigration de travailleurs étrangers afin de réduire la pression concurrentielle. On peut penser à l’armée de réserve de travailleurs (Cf. Marx). Cela dit, les résultats empiriques démontrent que l’augmentation du nombre d’actifs sur le marché n’induit pas nécessairement une hausse du chômage.
En dehors des politiques migratoires, les dispositifs de préretraite participent de la même logique. Ces mesures ont pu peser sur le taux d’emploi des seniors. En 1965, celui-ci des 55-74 ans atteint presque 40%. Après la mise en place du dispositif de préretraite, il chute continuellement jusqu’au début des années 2000 pour atteindre 20%. Il remonte progressivement depuis lors.
Cette politique devait désengorger l’offre d’emploi sur le marché du travail. Toutefois, elle n’a pas su réduire efficacement le taux de chômage dans les années 1980. Le travail ne se partage pas ainsi dans les faits. De 300 000 chômeurs en 1972, on atteint 2 millions en 1981 puis 2,5 millions en 1985.
L’action sur la durée légale du travail
Les années 1980 ont également expérimenté une baisse du temps de travail. La loi Auroux de 1982 acte le passage des 40 aux 39 heures hebdomadaires. Les lois Aubry (1998-2000) introduisent la semaine de 35 heures. Notons que cette baisse du temps de travail ne s’est pas traduite par une baisse du salaire minimum.
Cette politique visait à favoriser la croissance en emploi dans une perspective keynésienne. Il s’agit donc moins d’un partage de l’emploi que d’une création pure et simple. Malgré leur efficacité prouvée (environ 300 000 emplois créés selon les bilans officiels de l’INSEE et de la Dares), ces mesures ont eu un coût très important. La Direction du budget évalue ce coût entre “11 et 13 milliards” par an depuis 2006. Le chiffre passe à environ 12,8 milliards en 2013.
L’action sur le recours aux temps partiels et horaires atypiques
Il s’agit ici de fragmenter davantage la durée de travail pour permettre à davantage d’individus de travailler. Néanmoins, cela favoriserait l’apparition d’emplois à temps partiel, plus courts et mal payés.
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Les mesures passives : l’indemnisation chômage
Au sein des mesures passives, l’indemnisation chômage occupe une place importante. Son poids dans les dépenses publiques pour l’emploi est prégnant. C’est particulièrement le cas en France où elle représente près de 70% du total des dépenses ciblées.
Le principe est simple : fournir un revenu de remplacement aux chômeurs. L’objectif est assurantiel. Toutefois, son efficacité en matière de retour à l’emploi est questionnée. Les débats touchent principalement à la durée et au montant des prestations.
Empiriquement, la hausse des prestations entraîne bien un allongement du chômage. C’est ce que montre l’étude de Thomas Piketty sur l’APE (allocation parentale d’éducation) en 1994. Citons également le cas du “Self-Sufficiency Project” au Canada au début des années 1990. De même, on observe une reprise de l’emploi nette à l’approche de la fin des droits. Ce comportement incite donc à plaider pour une dégressivité des allocations chômage.
Les mesures actives : les dispositifs d’incitation au retour à l’emploi
Du côté des mesures actives, les dispositifs d’incitation au retour à l’emploi se sont largement développés ces dernières années. Citons notamment les crédits d’impôt/impôts négatifs comme l’EITC (Earned income tax credit) aux Etats-Unis, le WTC (Working tax credit) au Royaume-Uni ou encore la Prime d’Activité en France.
Le remplacement du RMI (Revenu minimum d’insertion) en RSA (Revenu de solidarité active) est un autre élément visant à mettre fin aux effets de seuil. Il s’agit de “rendre le travail payant” (Cf. Luc Behaghel). Dans les faits, l’offre de travail est bien sensible aux incitations monétaires. En effet, occuper un emploi est toujours associé à une hausse des revenus.
Réalité empirique du crédit d’impôt
Dans l’ensemble, plusieurs études expérimentales ont été menées sur les crédits d’impôts de divers pays. Notons que les revenus d’assistance ne sont pas synonymes de “trappes à inactivité”. Les primes d’activité n’ont pas non plus de grandes influences sur le retour à l’emploi.
Il y a bien un impact positif à court terme des incitations monétaires. Cela dit, pour certaines catégories l’effet peut s’avérer négatif, dans le cas des couples notamment. L’effet-substitution l’emporte parfois sur l’effet-revenu. Il conduit souvent à une baisse du nombre d’heures travaillées des femmes.
Ainsi, l’efficacité de ce dispositif est d’abord corrélée à son ampleur. Il peut également conduire à l’apparition d’une “trappe à bas salaire” puisqu’il incite les entreprises à multiplier les emplois à bas salaire. Ces mesures pourraient alors participer de l’institutionnalisation de l’emploi précaire, entérinant une multitude de conditions salariales. Elles poussent certains à accepter n’importe quel métier puisqu’il sera toujours plus rémunérateur que le chômage.
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Politiques de fonctionnement et d’appariement
Suivant la théorie du processus d’appariement, ces politiques ne se concentrent pas sur la demande ou l’offre de travail mais cherchent plutôt à rendre plus efficace leur alignement. Cette mesure provient de l’idée selon laquelle le chômage serait le résultat d’une inadéquation entre les caractéristiques de l’offre et de la demande. Cela invite à des politiques de l’emploi plus nuancées. Si les dispositifs incitatifs de retour à l’emploi peuvent contribuer à réduire le chômage, ils peuvent ainsi miner la qualité de l’appariement. On se concentrera ici exclusivement sur les mesures ciblées.
Les programmes de formation
Les programmes de formation peuvent améliorer la synergie entre l’offre et la demande de travail. Parmi eux, on retrouve par exemple les dispositifs d’alternance. Cependant, les résultats empiriques sont hétérogènes et dépendent beaucoup de l’horizon temporel.
L’effet est positif sur le moyen/long terme et inversement sur le court terme. La conjoncture doit également être prise en compte. Selon une étude suédoise, l’efficacité des mesures serait plus importante en période de récession (Cf. Forslund, 2011). Elles permettent de préparer et d’améliorer le retour à l’emploi sans être préjudiciable à la recherche de celui-ci.
Les dispositifs d’aide à la recherche d’emploi
Ces dispositifs semblent avoir une efficacité considérable. Ils permettent de diminuer la durée du chômage tout en donnant accès à des emplois de meilleure qualité.
En ce qui concerne les politiques de fonctionnement et d’appariement sur le marché du travail, il est essentiel de prendre en compte les mesures visant à rendre plus efficace l’alignement entre l’offre et la demande de travail. Ces politiques peuvent jouer un rôle crucial dans la réduction de la durée du chômage et dans l’amélioration de la qualité des appariements entre les travailleurs et les emplois disponibles.
Une efficacité prouvée
Plusieurs études ont pu montrer que rendre le suivi d’une formation obligatoire à partir d’une certaine durée de chômage pouvait significativement accélérer le retour à l’emploi. Il en est de même pour le risque de sanctions financières en cas de manquement aux obligations de recherche. Il semblerait que la multiplication des incitations monétaires de court terme soit plus efficace que les récompenses ou sanctions attachées à un objectif plus lointain.
Les travaux d’économie comportementale étudient quant à eux le rôle des “nudges” (Cf. Thaler et Sunstein). Ces derniers, basés sur les biais comportementaux des demandeurs d’emploi, peuvent également jouer un rôle dans l’amélioration des décisions et de l’engagement dans la recherche d’emploi.