Dans une tribune du 20 juin 2023 publiée dans l’édito Les Echos, le professeur émérite à ESCP Business School, Jean-Marc Daniel, a pris la parole sur le lien entre emploi et intelligence artificielle sous le prisme empirique de l’acceptation du progrès technique.
Intelligence artificielle et emploi, attention à ne pas se tromper de combat
Jean-Marc Daniel commence sa tribune par rappeler que de plus en plus de voix expriment leur opposition envers les risques associés à l’intelligence artificielle. Lui, compare cette situation aux ouvriers qui, au début du XIXe siècle, s’opposaient aux machines, considérées comme sources de chômage. Ainsi, pour l’auteur, cette aversion pour le progrès se trompe de cible et l’intelligence artificielle « subit le sort de la plupart des innovations technologiques radicales ».
Malgré une reconnaissance croissante de l’utilité de l’intelligence artificielle, de nombreux appels à ralentir son développement ou à s’y opposer émergent. Même Elon Musk, par exemple, a fait partie des signataires d’une pétition demandant une pause dans l’implantation de l’IA afin de mesurer les « perturbations économiques et politiques dramatiques (en particulier pour la démocratie) que l’IA provoquera ».
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Selon le professeur émérite à l’ESCP Business School, cette lettre ouverture publiée sur le site de Future of Life Institute reprend des interrogations qui font très largement échos à la célèbre phrase de l’économiste Jean de Sismondi, publiée en 1819 dans ses Nouveaux principes d’économie politique : « Si le machinisme arrivait à un tel degré de perfection que le roi d’Angleterre pût en tournant une manivelle produire tout ce qui serait nécessaire aux besoins de la population, qu’adviendrait-il de la nation anglaise ? ».
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Pour Jean-Marc Daniel, les dangers du progrès technique sont surestimés pour gagner du temps
Selon l’auteur, ces débats continuent de susciter des controverses renouvelées. Les avancées de l’IA et de son traitement de l’information entraînent des réactions de la part des intellectuels dans des domaines tels que la santé, la justice et l’éducation. Les professionnels de ces domaines mettent en garde contre la manipulation de l’information par l’IA et soulignent la diminution de la qualité des services fournis dans des domaines tels que les diagnostics médicaux automatisés, les conseils juridiques en ligne ou les cours dispensés sur Internet.
Toutefois, il est suggéré que ces préoccupations exagérées visent simplement à gagner du temps avant que les avantages de l’IA, tels que l’augmentation de la productivité, du pouvoir d’achat et la création d’emplois, ne deviennent évidents. L’auteur rappelle les arguments de Charles Gide, qui critiquait déjà les détracteurs du progrès technique à l’époque de l’imprimerie.
Dans sa critique de Sismondi, Charles Gide écrivait à ce sujet : « Grâce aux chemins de fer, combien plus de voyageurs et par conséquent combien plus d’employés de chemins de fer dans les services de la traction et de l’exploitation qu’il n’y avait autrefois de postillons, palefreniers et maîtres de postes ! Grâce aux métiers mécaniques, combien plus d’ouvriers employés dans l’industrie textile qu’autrefois de tisserands ! » Il complétait : « Grâce à la multiplication des livres depuis l’invention de l’imprimerie, combien plus d’ouvriers typographes aujourd’hui que de copistes au Moyen Age ! »
L’IA subit donc un procès similaire à celui qu’a connu l’imprimerie par le passé. Les avancées technologiques suscitent des réactions de méfiance et de résistance. Cependant, l’histoire démontre que ces peurs ont souvent été infondées, et que le progrès technique a finalement entraîné des avantages économiques et sociaux significatifs.
Le professeur termine sa tribune en soulignant que finalement, le véritable danger pour l’avenir réside davantage dans la bêtise humaine que dans l’intelligence artificielle elle-même. Il est important de prendre en compte les opportunités offertes par l’IA en termes de progrès et d’amélioration de la société, plutôt que de céder à des craintes excessives qui pourraient entraver son développement.
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Pour conclure, Jean-Marc Daniel met en lumière les inquiétudes croissantes concernant les dangers potentiels de l’IA et les parallèles historiques avec les débats sur le progrès technique. Bien que des voix s’élèvent pour ralentir ou s’opposer à l’intelligence artificielle, il est rappelé que ces craintes ont souvent été infondées par le passé. Il est crucial de reconnaître les avantages potentiels de l’IA et de trouver un équilibre entre progrès technologique et considérations sociales pour façonner un avenir meilleur.