Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé en février 2022 le retrait des troupes françaises au Mali, les mercenaires de la société Wagner, dont la présence a accentué les tensions entre l’État français et la junte militaire malienne, ne semblent quant à eux pas prêts de quitter le sol malien. Après être intervenu en Ukraine et en Syrie, le groupe russe est présent en Afrique depuis 2018 et s’impose progressivement comme un acteur militaire incontournable du paysage africain.
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Les huit ans de l’organisation paramilitaire russe
Pour trouver l’origine du Groupe Wagner, qui emploierait aujourd’hui entre 2500 et 5000 mercenaires, il faut remonter jusqu’en 2014 : Dimitri Outkine, ancien membre des Spetsnaz (groupe d’intervention spéciale russe) et néo-nazi admirateur du Troisième Reich, est alors financé par l’oligarque russe Evgueni Prigojine pour fonder le Groupe Wagner, société militaire privée ayant recours au mercenariat. La société paramilitaire intervient d’abord en Ukraine dans la crise de Crimée puis dans la guerre du Donbass, avant d’élargir son champ d’opération : le Groupe Wagner intervient dans la guerre civile syrienne à partir de 2015 et combat l’État islamique dans l’est du pays, où les champs de pétrole et de gaz sont un enjeu stratégique pour l’État russe. Le groupe interviendra également au Venezuela, alors en pleine crise présidentielle, en janvier 2019 afin d’assurer la sécurité du président Nicolás Maduro.
L’une des zones de floue majeures au sujet du Groupe Wagner correspond à son lien avec l’État russe : officiellement, la société n’est pas liée au gouvernement russe et son siège social officiel se situe en Argentine. Mais, selon The Daily Beast et le département d’État des États-Unis, l’organisation serait contrôlée par le ministère russe de la Défense, qui financerait également une partie des activités du groupe. Partout où sont déployés les mercenaires du Groupe Wagner, les zones en question correspondant bien souvent à des zones où la Russie a des intérêts multiples, la Russie parle tout au plus « d’instructeurs russes » ou de « volontaires ».
Les pratiques du Groupe Wagner sont extrêmes : pillage de ressources naturelles et intimidation des civils en violation du droit international sont les accusations revenant fréquemment à l’encontre du groupe. Le Groupe Wagner est également accusé d’avoir exécuté une douzaine de civils lors de la bataille de Tripoli et est aujourd’hui soupçonné d’avoir tué une trentaine de civils en Centrafrique en janvier 2022.
L’arrivée du Groupe Wagner en Afrique
Le Groupe Wagner fait son arrivée sur le continent africain en 2018 au Centrafrique. Les mercenaires du groupe jouent d’abord un rôle d’instructeur, ils participent à la formation de militaires de l’armée centrafricaine, tout en ouvrant des bases arrière dans le pays. Il faut cependant attendre 2019 avant de voir les hommes du Groupe Wagner prendre les armes sur le continent : près de 300 mercenaires du groupe se joignent en effet aux forces du maréchal Haftar en Lybie lors de la bataille de Tripoli.
L’ONU publiera d’ailleurs un rapport détaillant le soutien logistique par avion de l’État russe à la société privé en Lybie.
Depuis décembre 2021, c’est désormais au Mali que la présence des mercenaires russes s’accentue : en un mois, leur nombre aurait été multiplié par six, passant en janvier 2022 à 350 hommes, dans un contexte où les relations entre la France et la junte militaire ne cessaient de se dégrader. La junte militaire, issue du putsch de mai 2021 et étant récemment revenue sur son engagement d’organiser des élections en février 2022, a d’abord nié tout contrat avec le Groupe Wagner, avant de reconnaître la présence « d’instructeurs russes » sur le territoire malien.
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Les conséquences géopolitiques de ce nouveau type d’acteur
Dès décembre 2021, les puissances occidentales engagées dans la lutte antidjihadiste au Mali évoquaient l’incompatibilité entre leur lutte dans le pays et l’intervention des mercenaires du Groupe Wagner. Avec le retrait des troupes françaises en janvier 2022, la présence des mercenaires a une nouvelle fois été dénoncée par le président français Emmanuel Macron.
Le fait est que le Groupe Wagner est un groupe privé, financé par les régimes qui font appel à lui et ne rendant ainsi des comptes qu’à ces derniers. Le gouvernement russe nie tout lien avec la société, qui ne peut d’ailleurs théoriquement pas exister en Russie car les sociétés militaires privées y sont interdites. Il devient donc difficile de sanctionner le groupe, ce qui encourage les régimes autoritaires à faire appel à lui car les seules demandes du groupe sont de type économique et non démocratique, contrairement aux États européens par exemple.
L’impunité du Groupe Wagner représente aujourd’hui un risque pour la communauté internationale car, en l’absence de solution, on pourrait voir le nombre de ce type de société se multiplier. Chaque société servirait alors les intérêts de son pays d’origine, sans y être directement liée, et signifierait ainsi de manière implicite le soutien de ce pays d’origine aux régimes soutenus par la société paramilitaire, comme c’est le cas aujourd’hui au Mali.
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