Alors que l’inflation sur un an s’élève à 10% sur un an en janvier 2023 en Europe, la BCE s’alarme et ne cesse d’augmenter ses taux directeurs pour essayer d’inverser la tendance. Pourtant, 100 ans plus tôt, un même phénomène bien pire se produisait : l’hyperinflation !
L’hyperinflation, qu’est-ce que c’est ?
D’après Phillip Cagan dans « The Monetary Dynamics of Hyperinflation », on parle d’hyperinflation à partir d’un certain seuil. En effet, dès lors que les prix augmentent de plus de 50% par mois, il est question d’hyperinflation.
Une fois qu’un pays est entré dans une phase d’hyperinflation, il lui est difficile d’en sortir. De fait, de nombreuses forces maintiennent une économie dans l’hyperinflation :
- La boucle prix-salaires. Dans une situation, la hausse des prix amène une hausse des salaires qui va amener une hausse des prix à son tour.
- La dépréciation de la monnaie. Du fait de l’hyperinflation, la monnaie nationale se déprécie par rapport aux autres devises. Ainsi, les importations deviennent plus coûteuses, ce qui contribue à la hausse des prix.
- La fuite de la monnaie. Dans une situation d’hyperinflation, personne ne souhaite conserver la monnaie nationale. Ainsi, sitôt les salaires encaissés, ils sont dépensés. La valeur de la monnaie ne cesse de diminuer puisque tous les acteurs cherchent à s’en débarrasser. Et ce cercle va en s’accentuant.
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Quelles sont les conséquences de l’hyperinflation ?
Les effets de l’hyperinflation sur une économie sont dévastateurs. Voici quelques-unes des conséquences que l’hyperinflation peut avoir sur l’économie :
- La mort de la monnaie. La monnaie n’ayant plus aucune valeur, plus aucun agent ne l’utilise pour les échanges. Ainsi, on assiste au retour du troc qui diminue énormément les échanges et porte un coup fort à la croissance.
- La mort de l’épargne. Du fait de la perte de la valeur de la monnaie, toute l’épargne accumulée par les agents économiques qui n’aurait pas été échangée contre des devises étrangères ou des biens durables se trouve être perdue. Ainsi, cela mène à un appauvrissement de la population.
- La mort de la prévision. L’hyperinflation floute toute perspective future pour les entreprises qui préfèrent ne pas investir dans le pays. Ainsi, l’économie se trouve être à l’arrêt.
- La mort de la confiance. Dans le cas d’une crise hyperinflationniste, la monnaie n’est pas la seule à ne plus inspirer confiance. En effet, si la monnaie fait défaut, ce sont toutes les institutions, de la banque centrale au gouvernement, qui sont atteintes.
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Comment stopper l’hyperinflation ?
Une fois que l’hyperinflation est installée, il est difficile de la stopper. Voici les quelques options possibles pour essayer d’y couper court :
- Adopter une monnaie étrangère. En l’absence de confiance dans les institutions nationales, c’est le recours aux institutions étrangères qui peut ramener l’ordre. Ainsi, l’usage de monnaies étrangères permet de rétablir une forme de stabilité dans le pays.
- Instaurer une nouvelle monnaie. A long terme, la seule solution viable pour couper court à l’hyperinflation est d’abandonner la monnaie pour une nouvelle. Cela va de pair avec une refonte complète des institutions pour regagner la confiance des acteurs nationaux et étrangers.
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Un exemple historique : l’Allemagne
Probablement l’exemple le plus connu lorsqu’il s’agit de l’hyperinflation, l’Allemagne post Première Guerre Mondiale fait référence dans le domaine.
La crise hyperinflationniste allemande (1920-1923) est une conséquence directe du traité de Versailles. En effet, en imposant à l’Allemagne de verser 132 milliards de marks aux alliés (soit 3 ans de PIB allemand d’avant-guerre), le traité condamne l’Allemagne à la crise. Cette attitude est critiquée par John M Keynes dans Les conséquences économiques de la paix (1920).
Rapidement, l’hyperinflation fait son apparition. Si 1 dollar valait 4,2 marks en 1913, ce chiffre passe à 1465 marks en septembre 1922, puis 100 000 000 marks le 15 septembre 1923. Enfin, en novembre 1923 un dollar vaut 522 000 000 marks.
Au cours de cette crise, des situations surréalistes font leur apparition. Ainsi, un homme voit son compte sur lequel il possédait 68 000 marks fermé par sa banque car cela lui coûtait trop en frais de gestion. Pour compenser cette perte, la banque lui envoie un chèque d’un million de marks dans une enveloppe avec un timbre portant la valeur de 5 millions de marks.
On peut encore énumérer de nombreuses autres anecdotes :
- Le prix du repas au restaurant varie entre l’entrée et le dessert
- Les entreprises doivent embaucher des équipes chargées de réévaluer les prix des produits et de changer les étiquettes quotidiennement
- Le salaire d’un travailleur peut passer de 100 millions de marks à 0,5 milliard de marks en quelque mois
Pour sortir de la crise, l’Allemagne procède à un changement d’unité monétaire et instaure le Rentenmark. Ainsi, 1 Rentenmark vaut 1 000 000 000 000 de marks-papier. Plus tard, le Rentenmark sera remplacé par le Reichsmark en 1924 qui permettra de mettre définitivement fin à la crise hyperinflationniste allemande.
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